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Dosseh : la mort n’a pas encore toqué à la porte

Présent au sein du rap français depuis près de 20 ans, Dosseh est aujourd’hui un artiste important du mouvement et n’a quasiment plus rien à prouver. Le natif d’Orléans a effectué son retour le 30 septembre dernier avec son troisième album studio intitulé « Trop tôt pour mourir », car oui, notre Lossa n’a rien d’un rappeur en fin de parcours et semble bien décidé à continuer d’exercer son art pendant de nombreuses années.

Avec ses 19 titres, ce troisième album studio accueille sept collaborations qui ne nous laissent pas indifférents : Tiakola, Zed, WeRenoi, Leto, Lacrim, Dinos et Momsii.

Coté production, l’orléanais s’est entouré d’une grosse équipe avec un bon nombre de beatmakers de renom : BBP, Boumidjal, Chapo, DST The Danger, Focus Beatz, HoloMobb, Iksma, Josh, Ken & Ryu, L$30, Mighty Max, Pbl, Rilcy, Tarik Azzouz, Twenty9 et Wladimir Pariente.

Comme pour ses précédents projets, l’artwork a été confié à Fifou.

Cover : Dosseh – Trop tôt pour mourir © Fifou

L’enfant loup

Jeune ancien car à la page mais également très expérimenté, Dosseh est un artiste qui a été confronté au succès commercial assez tard. Toutefois, depuis ses débuts en 2004 avec « Bolide Vol. 1 » il a pu façonner et consolider, grâce à un gros succès critique, un univers solide, rue et assez unique. Avec des projets comme « Perestroïka » ou sa série « Summer Crack », un film nommé « Karma » et de multiples collaborations de prestige, Dosseh n’a jamais chômé et a récolté les fruits de son travail avec l’excellent « Yuri » et le performant « VIDALO$$A ».

Rappeur confirmé qui n’a pas peur de se mouiller, Dosseh n’a donc plus ses preuves à faire, cependant, depuis « Summer Crack 4 » les tendances ont évolué et c’est là tout l’enjeu de « Trop tôt pour mourir » : faire un retour en fanfare tout en liant l’univers d’un « Yuri » à celui d’un « VIDALO$$A » pour livrer un album solide, cohérent et en phase avec son temps.

Dès l’intro, « Dina Sanichar » (nom d’un enfant indien littéralement élevé par des loups), Dosseh rentre à grand coup de pied dans la porte avec une prod oppressante et puissante et des écrits egotrips et mine de rien assez personnels.

Kicker, l’orléanais sait le faire et le prouve à de nombreuses reprises tout le long du projet avec les « Mode S », « La Vie de César » (ft. WeRenoi), « RS-28 » et « Sky Dweller ». Tous agressifs et dégageant une grande assurance, ces extraits abritent des ponts fluides, des backs mélioratifs et des refrains chocs. Ce qui devrait être la base pour un grand nombre de rappeurs qui se respectent est ici parfaitement maitrisé et assure son statut d’homme fort du rap hexagonal.

Comme nous l’avons dit, Dosseh est un jeune ancien et n’en n’oublie donc pas ses bases en livrant le boom-bap « L’algorithme de Dieu ». Musicalement et lyricalement bluffant, ce morceau pourrait suffire à démontrer l’immense talent de Dosseh.

Pour le petit frère de Pit Baccardi rapper, et bien, n’est pas un souci, toutefois, l’enjeu du projet ne réside pas en cela… En effet ce que nous attendions réellement avec « Trop tôt pour mourir » c’était une pluralité d’ambiances et de touches singulières qui ferait de ce projet une pièce unique qui permettrait à Dosseh de marquer de son empreinte cette année 2022. Rassurez-vous, ces caractéristiques sont belles et bien présentes !

Un homme avant tout

Pour marquer les esprits, Dosseh a ici décidé d’opter pour le storytelling, particulièrement en vogue ces derniers mois (on a pu récemment en apercevoir sur les projets de Lacrim, Laylow et SCH).

Sur « Djamel » Dosseh narre l’histoire véridique d’un de ses amis miraculé des attentats du 13 novembre 2015« C’est quoi c’t’enfer ? Cinq minutes plus tôt, c’était tout cool / Et j’sais même pas si l’gars est seul ou s’ils sont v’nus à plein / Tout c’que j’sais, c’est qu’putain, j’suis atteint, autour, c’est l’hécatombe / *Bruit de rafale*, pendant qu’ça continue d’tirer, t’as c’fou à lier qui avance en marchant sur les corps / En r’cherche de gens à finir donc j’fais mine d’être mort / J’me remange quelques balles, oh merde, c’est quelque chose ».

Doux et lumineux au début puis tragique et mortuaire par la suite, l’orléanais utilise un effet de monté crescendo de l’ambiance et scinde habillement son morceau en deux parties. Fort en émotions, « Djamel » n’a rien de surfait et touche en plein cœur son public. Une véritable réussite qui aurait pu vite sombrer dans l’impudique et le faux sentimentalisme.

Avec les « Branché » (ft. Momsii) et « Je te pardonne » qui le positionnent respectivement dans une relation « prisonnier-homme libre » et « mort-assassin présumé », le storytelling est exploité sous toutes ses formes et n’apparait donc pas comme un style placé de force pour profiter d’une mode. Un nouveau bon point !

En parallèle de ces trois histoires réelles et fictives, Dosseh nous enchante avec des éclaircies et de la bonne humeur sur les « Smooth Criminel » (ft. Zed), « Plus belle la vie, plus belle la mort », « Destinée », « N’écoute pas tes copines » (ft. Leto), « Amsterdam » (ft. Lacrim) et « Rien n’a changé ». Ces différentes ouvertures peuvent déjà convenir à faire de « Trop tôt pour mourir » un album réussi et riche en diversité, seulement, il nous manque quelque chose… de l’introspection.

Pour cela, on peut s’attarder sur le piano voix « Fleur d’automne » qui aborde la perte de sa mère, sur « Demain j’arrête » (ft. Dinos) ou bien sur l’outro « Trop tôt pour mourir » où il se livre sur son parcours rempli de rebondissements, ses doutes et ses faiblesses. Comme pour le storytelling, ces derniers ne sont pas surjoués et viennent saupoudrer le tout d’une touche originale et sentimentale.

Fidèle à son univers, sa plume, ses sonorités et à l’homme/artiste qu’il est, Dosseh a peut-être livré avec « Trop tôt pour mourir » son meilleur album. Ce jugement de valeur peut sûrement se confirmer avec les chiffres de ventes de sa première semaine (10 398 ventes) qui lui permettent de signer le deuxième meilleur démarrage de sa carrière.

Une direction artistique claire, une réelle polyvalence et une cohérence avec les attentes du public actuel, ce troisième opus est une belle réussite qui permet à Dosseh de réaliser un retour en force et de confirmer son statut d’artiste nécessaire pour le rap hexagonal. Notre Lossa a le temps de venir voir ses funérailles artistiques !

Écouter « Trop tôt pour mourir » de Dosseh sur toutes les plateformes de streaming.

Tancrède De-Sacco

Illustration : Fifou