Originaire de la commune bruxelloise d’Evere, Frenetik correspond complètement à ce qu’on peut appeler l’ambition de la jeunesse. Alors qu’il a déjà tapé dans l’œil de Booba grâce à son titre « Virus BX-19 » (extrait de son EP « Brouillon » sorti le 22 mai), il a toujours les dents longues, et compte bien se placer en élément moteur d’une nouvelle génération dorée belge. En toute logique, il se trouve dans notre liste des 12 rookies à suivre.

Salut Frenetik, est-ce-que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Moi c’est Frenetik, je suis un rappeur bruxellois de la commune d’Evere plus précisément, et j’ai 21 ans. J’ai grandi et je me suis développé à Evere.

Frenetik

Frenetik

Depuis combien de temps est-ce-que tu es dans le rap ?

Ça fait dix ans que j’écris, et ça fait peut-être six ans que je suis entré en studio pour la première fois. Mais c’est depuis l’année passée que je suis vraiment sérieux. Avant j’avais juste un peu de reconnaisse dans la ville, mais là avec la signature, ça a boosté le truc encore plus fort, c’est très sérieux.

Pourquoi as-tu décidé de devenir rappeur ?

En fait je ne l’ai pas spécialement décidé, à la base je kiffais juste le rap. Du rap français, du rap belge, pas forcément que du rap d’ailleurs, mes parents écoutaient plein de musique, surtout ma mère. Un jour un cousin m’a proposé d’écrire, et en vérité j’y ai pris goût, ça a commencé à devenir un exutoire. C’est mon entourage qui a fait de moi un rappeur. À l’école on faisait souvent des clashs, des petits Rap Contenders, on commençait à rapper sur une enceinte avec une petite instru. Ensuite j’ai commencé à rencontrer des gens, à comprendre le mode de fonctionnement du rappeur, mais à la base c’était juste un délire !

Pour toi, le rap, c’est quoi ?

C’est un moyen de faire en sorte qu’on m’écoute, et c’est devenu un taff. Avant ce côté-là on ne le voyait pas, mais dans la musique il y a des responsabilités, il faut être carré, être sérieux. 

Quelles ont été tes influences ?

Ma mère déjà m’a beaucoup influencé, elle écoutait beaucoup de rap, mon père aussi, quand ils me déposaient à l’école dans la voiture c’était du rap. Des piliers du rap US, 2Pac, Biggie, Missy Elliott, 50 Cent, Diddy, Nas, Dr. Dre… Il y avait aussi pas mal de R&B. En Belgique, j’écoutais Gandhi (aujourd’hui G.A.N – ndlr), Isha à l’époque où il s’appelait Psmaker aussi. En France j’écoutais beaucoup la Sexion d’Assaut, Youssoupha, Kery James, Lino, Sniper, IAM aussi un peu. 

Comment est-ce-que tu définirais ton style de rap ?

Je ne saurais pas directement répondre parce que je perfectionne encore ce que je fais. À chaque fois que je vais en studio je découvre une nouvelle facette de ma musique. Mais je dirais que je suis entre l’egotrip et le rap conscient, un mélange des deux. Je rends egotrip ce qui est conscient et je rends conscient ce qui est egotrip. J’aime bien dire que c’est du « rap peinture », parce que j’aime mettre des images sur ce que je dis. 

À quel moment est-ce-que tu as senti que quelque chose se passait autour de toi et de ta musique ?

Quand j’ai sorti le premier clip « La Matrice », en vérité ça a été vite. Au tournage c’était une première pour moi, je n’avais connu que des trucs au quartier. Là avec Jeunes Boss Records je me suis dit « ok c’est sérieux », et très vite on a eu pas mal de retours, de propositions, on a pu discuter avec BlueSky, plein de labels en France. C’est à ce moment que les gens m’ont pris au sérieux. Avant j’avais une certaine reconnaissance mais aujourd’hui ce n’est plus pareil.

Tu viens de Belgique, et tu as signé dans un label belge, Jeunes Boss Records. C’était important pour toi de rester à la maison ?

Oui quand même, c’est pour éviter la confusion aussi parce que souvent quand les gens entendent rapper en français ils se disent que c’est un français derrière. J’ai déjà eu quelques trucs comme ça, alors que je suis bruxellois ! C’était important aussi parce que pour moi Jeunes Boss ce n’est pas juste un label, c’est un état d’esprit, on a la même façon de voir les choses.

À l’heure actuelle, ton clip le plus vu sur YouTube est celui de « Trou Noir », il est sorti il y a presque un an. Qu’est-ce-qui a changé pour toi depuis cette période ?

Les DMs déjà c’est différent, dans tous les sens, dans le bon comme dans le mauvais. Je reçois plein de force, je vois des gens qui me taguent dans leurs stories, mes paroles en légendes de photos. « Trou Noir » a eu un vrai impact, ce n’était pas un son auquel les gens s’attendaient, j’ai annoncé une couleur avec ce morceau.

Tu as donc sorti ton premier EP, « Brouillon », le 22 mai. Explique-moi pourquoi tu l’as intitulé comme ça ?

Déjà parce que je ne savais pas trop dans quoi on allait s’embarquer, avec le confinement et le Covid-19. Ça représentait l’état d’esprit de la situation dans le monde, tout le monde était un peu perdu. C’était aussi un premier jet, ce projet on l’a sorti pour remettre la machine en marche parce qu’on avait mis sur pause avec tout ce qu’il s’est passé.

Il est sorti depuis peu, mais j’imagine que tu as déjà eu des retours par rapport à « Brouillon », ils sont bons ?

J’ai eu des retours constructifs. Mais partout j’ai eu des retours positifs, par exemple l’autre soir j’étais à mon balcon, j’ai vu des mecs passer en bas de chez moi et ils m’ont dit « sisi le projet » ! Pareil, l’autre jour je vais acheter une paire et à un moment le vendeur s’arrête et me dit « lourd ton projet ». C’est trop cool, je suis content. 

Aujourd’hui la scène belge est très dense, et de nombreux jeunes belges se font un nom. Tu penses faire partie d’une sorte de nouvelle génération dorée, qui succéderait à celle des Damso et Hamza ?

Je pense qu’aux yeux de tous c’est un peu ça, mais pour moi c’est une nouvelle naissance, une nouvelle ère. Damso, Hamza et tout sont arrivés et ont fait ce qu’il fallait, mais nous ça va être autre chose, c’est une confirmation. C’est un peu comme si on devait confirmer ce que les gens se disent sur ce qu’il se passe en Belgique. La génération qui arrive avec moi, Geeeko, YG Pablo, David Okit, y a un nouveau truc, y a un game qui se fait en Belgique. Les gens se rendent compte qu’il y a quelque chose à faire ici, surtout que par rapport aux autres il y a un petit décalage, comme entre les States et la France, il y a le même entre France et Belgique. Mais il y a de plus en plus de choses qui sont faites, de médias qui cherchent à se développer, de structures…

Ton EP s’achève par « Virus BX-19 », un couplet unique brutal suivi d’un refrain. C’était quoi ta volonté en terminant ton projet avec ce son ?

À la base déjà le son ne devait pas être sur l’EP, il n’existait pas trois ou quatre jours avant la deadline ! C’est juste qu’avec tout ce qu’il se passait, c’était une période noire, le confinement, le virus, j’ai essayé de rapper ce qu’il se passait chez moi. Certes il y a le lien avec le Covid-19 mais c’est surtout qu’il y a 19 communes à Bruxelles, voilà pourquoi le son s’appelle « BX-19 ». Ce que peu de gens savent c’est que j’ai écrit une moitié du couplet sur le moment mais l’autre partie je l’avais déjà depuis un bout de temps, je voulais vraiment la rapper mais j’avais pas eu l’occasion. La situation s’y prêtait, ça m’a replongé dans ce couplet.

D’ailleurs, tu as tapé dans l’œil de Booba, il t’a mis dans sa playlist Validé et t’a partagé en story sur Instagram. On connait l’histoire du jeune belge qui est repéré par Booba… Tu envisages une destinée à la Damso ?

Non, j’aimerais une destinée à la Frenetik, même s’il peut y avoir des points communs ou des coïncidences qui font que, je veux écrire ma propre destinée !

Au-delà du parallèle un peu bancal, ça fait quoi d’être validé par un artiste comme lui ?

Quand j’étais plus jeune j’écoutais énormément Lunatic, c’est un plaisir de savoir que quelqu’un que j’ai écouté me kiffe, mais je ne me fais pas de film, c’est pas pour autant que je me dis qu’il va me signer. Mais ça fait vraiment très plaisir, surtout venant d’un gars comme ça.

Si tu devais faire découvrir ta musique avec un seul son, ce serait lequel ? Et pourquoi ?

Je dirais « Trou Noir » ou « Vide », ce sont deux sons un peu tout public, où il n’y a pas forcément de grossièretés, mais ça ne m’a pas empêché de garder ce côté street et d’expliquer ce qu’il se passe dans ma vie. Je pense que ce qui empêche les gens d’écouter des nouveautés c’est d’entendre les mêmes sujets abordés de la même façon, de voir les même clips. Pour « Trou Noir » j’ai raconté tout ce que j’ai toujours raconté mais avec plus de recul et de maturité pour que les gens puissent mieux comprendre.

Imaginons, tu as un projet 15 titres qui arrive et tu as le droit à 3 featurings, tu choisis qui ?

Déjà je prendrais mon groupe, j’ai un groupe avec des frangins qui s’appelle Elengi Y’a Trafic (composé de BBK, Gotti Maras, Jocky Lucky et Rabbinx – ndlr). Ensuite je dirais que ça se tâte entre Isha et Gandhi, c’est des gens pour qui j’ai beaucoup de respect, ils étaient les premiers à rapper, quand la porte de la Belgique n’était pas forcément ouverte. Pour le troisième je dirais Nekfeu, c’est un artiste que j’aime beaucoup, sa manière d’écrire et de rapper.

Comment est-ce-que tu vois l’évolution de ta carrière ?

Quand le projet est sorti ce n’était pas une finalité, c’était une pression en plus, il faut toujours innover, créer quelque chose. Si tu te reposes sur tes acquis, tu sors du chemin qui t’était destiné. La prochaine étape c’est de continuer de bosser, bosser, bosser.

On peut s’attendre à quoi pour la suite de ta carrière ?

Il y a encore un autre projet qui arrive dans l’année là. Il y aura aussi des clips, des extras, des surprises, des feats. Avec ce qu’il s’est passé 2020 ne fait que commencer en fait !

 

Dorian Lacour