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Interview Fresh LaDouille : mettre le 94 « Sur écoute »

Fresh LaDouille - « Sur écoute »

Fresh LaDouille - « Sur écoute »

La carrière de Fresh LaDouille en est encore à son commencement, pourtant son avenir semble plus que radieux. Avec « Sur écoute », son premier projet dont le maître-mot est sûrement « réel », il frappe un grand coup. Bien entouré, le rookie du Val-de-Marne fait étalage de tout ce qu’il sait faire, entre émotion et découpage. Nous l’avons interviewé. 

Midi/Minuit : Salut ! Avant tout, je voulais éclairer un point. Tu as débuté en tant que Fresh, et ensuite tu as rajouté « LaDouille » à ton blase. C’est peut-être une question bête, mais pourquoi avoir fait ça ? 

Fresh LaDouille : En fait je m’appelle comme ça depuis que j’ai déménagé à Choisy. On m’a appelé Fresh, et après comme « Fresh » c’est un blase que beaucoup de personnes ont, pour se démarquer on a rajouté « LaDouille ». Fresh LaDouille, c’est devenu une signature, ça veut dire « mon poto », tu connais. 

Cover : Fresh LaDouille – « Sur écoute » © Fifou

Midi/Minuit : Depuis 2019, ton nom revient pas mal dans le milieu du rap, mais tu as pris une nouvelle envergure avec ta série de freestyles « La Douille » en 2020, qui dépassent presque tous le million de vues sur YouTube. Tu le sens, déjà, que ton statut a changé ? 

Fresh LaDouille : Bien sûr, je le sens de fou. J’ai commencé à le sentir quand je postais des sons sur ma chaine et que ça prenait vraiment de plus en plus. Au moment de « La Douille #2 » et « La Douille #3 » je l’ai vraiment senti. Y a du monde qui écoute de partout, des fois quand je descends de chez moi on me demande des photos. Dans la rue on commence à m’arrêter, donc forcément je vois que mon statut a changé. Je me suis démarqué des autres, j’ai balancé des morceaux qui me sont propres, à ma manière. Ça s’est fait naturellement en vrai. 

Midi/Minuit : Mine de rien, ça va assez vite pour toi depuis quelques mois. Tu as l’impression de contrôler ton ascension, ou tu te laisses un peu porter par le mouvement, honnêtement ?

Fresh LaDouille : Je contrôle le truc, en vrai ça va. On gère tout avec mon producteur, mon manager, on est dedans et ça nous dépasse pas trop. On est contents et aussi un peu choqués de voir comment ça monte, mais ça nous fait grave plaisir et on maitrise le truc pour l’instant. 

Midi/Minuit : Ton premier EP, « Sur écoute », sort le 05 novembre. Avant tout, pourquoi est-ce-que tu as choisi ce titre ?

Fresh LaDouille : « Sur écoute » c’est le nom d’un morceau à la base, un de ceux que je préfère en vrai, donc c’est lui qui a donné son nom à la mixtape. Ce son-là j’en suis vraiment fier, j’ai fait les choses bien.

Midi/Minuit : Pour ce qui est de l’EP, je le prends complètement comme une carte de visite avec des bons morceaux estampillés singles, des featurings intéressants et des démonstrations de kickage. C’est quoi tes objectifs avec « Sur écoute » ? 

Fresh LaDouille : Déjà, on voulait annoncer un premier projet, parce que y a pas mal de gens qui attendaient que je sorte quelque chose, donc c’est normal. On a travaillé depuis pas mal de temps, et là on envoie la mixtape. Mon objectif, c’est d’aller chercher un nouveau public, et de fidéliser celui qui me kiffe déjà. Quand la suite va arriver, j’espère que les gens qui m’écoutent seront toujours là. 

Midi/Minuit : Combien de temps ce projet t’a-t-il pris à réaliser ? 

Fresh LaDouille : Les premiers titres ont été faits en février. Ça s’est passé en plusieurs étapes. On a fait un gros séminaire au mois de juin, et ensuite on a finalisé les titres. 5 ou 6 mois, en gros.

Midi/Minuit : 11 titres donc, dont les morceaux « La douille #5 », « 2 Mi-Temps » et « Emotion » [le single « Des noms » n’était pas encore disponible au moment de l’interview – NDLR] qui sont sortis sur toutes les plateformes avant le 5 novembre. Comment s’est fait le choix des singles ? 

Fresh LaDouille : J’ai choisi « 2 Mi-Temps », parce que c’était une bonne façon de m’introduire, avec MiG. C’est un morceau trop efficace. « La douille #5 » c’est surtout parce que c’est la série de freestyles qui m’a fait connaitre, donc les gens allaient forcément chercher la partie 5. « Emotion », par contre, c’était vraiment pour aller chercher un public. Y a pas vraiment de morceaux qui lui ressemblent sur le projet. On voulait toucher les gens avec ce morceau, et peut-être qu’après ils seront curieux d’aller écouter le reste. 

Midi/Minuit : Je trouve qu’il y a, dans presque tous les titres du projet, une certaine gravité. Dans tes flows, dans les thématiques que tu abordes, même dans les instrus. À une époque où le rap permet de faire un peu tout et n’importe quoi, pourquoi est-ce-que tu as choisi ce registre ?

Fresh LaDouille : Parce que quand tu fais de la musique tu racontes ta vie. Moi, dans ma vie, je vais pas te dire que ça a été dur de dur, mais on a pas beaucoup profité quoi. On partait pas en vacances, on restait à la cité, y avait que des galères en vrai. Je reste réel, donc forcément mon rap est comme ça. 

Midi/Minuit : Dans ton rap on voit que tu es encore très attaché à Ivry, et que tu ne songes pas à en partir, du moins pour l’instant. On voit souvent dans le rap français le cas du gars qui perce et qui quitte son quartier. Ce n’est pas dans tes objectifs ?

Fresh LaDouille : C’est pas vraiment dans mes objectifs, mais si je peux bouger, je bouge, tu connais. Après, même si je pars vivre ailleurs je vais toujours représenter ma ville et ma zone. C’est vraiment très important pour moi. 

Midi/Minuit : Pour parler plus en profondeur d’Ivry-sur-Seine, j’ai l’impression que c’est une ville qui est souvent restée un peu en retrait dans le 94, derrière des bastions comme Orly, Vitry ou Choisy. Est-ce-que tu partages mon ressenti ?

Fresh LaDouille : Franchement t’as raison. En ce moment c’est vrai que c’est un peu au ralenti dans le 94. Les derniers qui ont vraiment pété c’était des gars comme Rohff et tout ça. Là y a des gars qui commencent à bien faire du bruit, mais les gens savent pas qu’ils viennent d’ici. Oboy ou Hös Copperfield, par exemple, ils sont du 94, mais le public le sait pas. C’est pour ça que moi je suis là, et que si ça pète je vais représenter fort. Avant c’était nous le rap, maintenant ça pète un peu dans le 91, dans le 92, mais pas vraiment dans le 94. J’espère que des gars vont péter ici, en représentant.

Midi/Minuit : Tu as cité Rohff. Je pense que tout le monde pense directement à lui, à Kery James voire au 113 quand on parle du Val-de-Marne. Ce sont, je crois, des rappeurs qui ont eu une grande influence sur toi quand tu étais jeune. Je me trompe ? 

Fresh LaDouille : Non pas du tout. L’influence qu’ils ont eu sur moi, c’est leur façon de rapper et de raconter leurs histoires. Quand ils te parlent, tu sens que c’est vrai. Quand t’écoutes des morceaux comme « Message à la racaille » [de Rohff – NDLR], c’est trop réel. Mes frères écoutaient que ça, et moi je leur prenais leur iPod pour écouter aussi. Je me disais « vas-y faut que je pose » pour raconter comment c’est dans ma vie, dans mon entourage. 

Midi/Minuit : Je voulais aussi revenir sur les featurings. On a un peu parlé de MiG tout à l’heure, mais tu convies également DA Uzi et Leto, qui sont de réels poids lourds actuellement. Comment est-ce-que tu t’es connecté avec eux ? Et pourquoi avoir pensé à eux ? 

Fresh LaDouille : On s’est connectés par l’intermédiaire de nos managers et de nos producteurs. C’est eux qui ont géré tout ça. Comment j’ai pensé à eux ? Bah parce que c’est des gars que j’écoute. DA Uzi je l’écoute, Leto je l’écoute, et j’aime vraiment ce qu’ils font. DA Uzi je kiffe sa manière de poser, c’est très cru, donc je me suis dit qu’un son avec lui ça pourrait être bien. C’est un peu pareil avec Leto, il kicke, il a un vrai flow, et moi j’aime bien ça. Franchement, on a fait notre truc, et je suis très fier des sons, ils sont chauds.

Midi/Minuit : Je m’attendais à voir Mehdi YZ sur le projet. J’imagine que ce n’est que parti remise, et qu’on devrait voir une collaboration entre vous très bientôt ?

Fresh LaDouille : Pour l’instant c’est pas vraiment dans les projets, mais pour plus tard j’espère qu’on fera un truc. C’est mon gars Mehdi YZ, y aura sûrement des trucs entre nous, peut-être même sur un projet à lui. Ça bouge pas. 

Midi/Minuit : Tu fais partie de cette nouvelle génération qui envahit le rap français, et je trouve que ton rap a un goût de nostalgie. C’est-à-dire que même si les prods sont hyper actuelles, et que tes textes sont complètement d’actualité, on ressent ton amour du rap « à l’ancienne ». Tu es d’accord avec cette analyse ?

Fresh LaDouille : Ouais, je vois ce que tu veux dire. Je sais pas vraiment comment l’expliquer en vrai. Des gars comme Rohff, ou Kery, je vais pas te dire que c’est eux qui m’ont appris à rapper, mais ils ont été importants pour moi. Avant, je faisais des sons conscients, pas de la drill ou des trucs comme ça. Quand j’écris des textes, je pense toujours à ça. Après j’ai fait de la trap, de la drill, mais je garde toujours ce petit truc de comment je rappais avant. Je posais comme eux un peu, enfin je kickais pas comme eux en vrai, mais tu vois ce que je veux dire, je faisais des morceaux plus conscients.

Midi/Minuit : On en a un peu parlé tout à l’heure, mais tu t’ouvres davantage dans le morceau « Emotion ». Qu’est-ce-qu’il signifie ce morceau ? Que tu es prêt à essayer une nouvelle formule, plus ouverte, plus « grand public » ?

Fresh LaDouille : En gros, ce son-là, comme je te disais c’était pour toucher d’autres gens. Tu vois, c’est pas des darons qui vont écouter des sons comme « 2 Mi-Temps ». Il fallait que je fasse des trucs comme « Emotion ». Ça veut pas dire que je vais faire que ça, ça veut juste dire que je sais le faire et qu’à l’avenir il y en aura d’autres comme ça. Au début je m’attendais pas à ce qu’il marche autant. C’est mon producteur qui me disait qu’il fallait l’envoyer, et franchement tout s’est passé comme il avait dit.

Midi/Minuit : D’ailleurs, tu as choisi de faire ce morceau seul, alors que tu as Leto qui excelle dans les sons mélodieux sur le projet. Pourquoi ne pas avoir fait appel à lui pour un morceau ouvert ?

Fresh LaDouille : Tu connais, on pouvait faire un son ouvert, mais quand on s’est croisés on était dans l’optique de tout casser au studio. On savait qu’on allait faire un son sale, mais à l’avenir pourquoi pas faire des morceaux plus ouverts. Je suis pas fermé à ça du tout, mais là il fallait qu’on envoie.

Midi/Minuit : J’imagine que « Sur écoute » est une première étape dans ta jeune carrière. Si tout se passe comme prévu, ce que je te souhaite, quelles seraient tes ambitions pour la suite ?

Fresh LaDouille : Là, j’envisage d’envoyer d’autres projets, de faire des tournées bien sûr, c’est que le début en vrai.

Écouter « Sur écoute » de Fresh LaDouille sur toutes les plateformes de streaming.

Dorian Lacour