L’Allemand a sorti son nouvel EP « Etat d’Ame » le 11 novembre 2022. Un opus qui arrive après son projet commun avec Sasso, et qui marque une tournure dans sa carrière, un pas de plus vers le premier album. Au micro de Midi/Minuit, l’artiste originaire de Lyon s’est livré sur ce projet, ses ambitions, sa vision du business, ses influences et bien d’autres sujets.
Journaliste (Youcef) : L’Allemand, comment tu vas ?
L’Allemand : Ça va et toi mon frère ?
Ça va nickel, merci. Tu t’apprêtes à sortir ton nouvel EP, État d’âme, le 11 Novembre. Tu es dans quel état d’esprit à l’heure actuelle ?
Je suis confiant et pressé que le public découvre ça. Le projet a été fait avec amour, je ne fais pas semblant, j’espère que le public va aimer.
Qu’est-ce que tu retiens du dernier projet On verra bien ?
Dans un premier temps, depuis le premier jour où je suis allé en studio, je ne me dis rien du tout. Je peux être heureux, triste, je l’ai appelé État d’âme pour ça. Toutes mes humeurs. Je me suis un peu perdu sur On verra bien. J’ai essayé plein de choses qui n’étaient pas ma vraie facette, le public n’a pas trop accroché. Pas grave, on tourne la page. On passe à autre chose.
Comment tu as construit cet EP de A à Z ?
J’ai commencé à faire des sons cet été en séminaire dans le sud de la France. On a loué une maison, il y avait Stefbecker et DJ Slim. Après, il m’arrive de demander des prods à droite à gauche. La ligne directrice c’est retourner à l’Allemand du passé. L’Allemand de Sixnueve. Je l’ai construit comme un EP, parce que ce n’est pas encore le moment de sortir l’album.
Quel a été ton premier contact avec la musique en tant qu’auditeur plus jeune ?
Mes frangines et mes frangins. J’écoutais des titres sur leur walkman, ça tournait en boucle vu qu’il y avait 12-13 titres sur le cd. J’écoutais surtout « Le son qui tue » de Rohff.
Et en tant qu’artiste ? Tes premières expériences ?
Pression max, comment je vais m’en sortir ? Ensuite ça a glissé tout seul je te mens pas. La première fois que je suis allé en studio c’était fin 2017, j’avais déjà écrit mon premier son. J’écrivais des sons, je les jetais, je me souvenais plus des instrus, mais ce premier titre je l’ai vraiment fait entièrement. C’était « Elle t’a quitté ». Un jour au quartier, je leur ai fait écouter et ils m’ont dit qu’ils pouvaient l’écouter normal. J’avais peur qu’ils se moquent de moi et au final tout l’inverse.
Tu as eu des influences musicales ?
Jul, inévitablement mes premières instrus c’était type Jul. Il y est pour beaucoup dans ce que je fais aujourd’hui. Ensuite il y a Rohff, et le numéro 1 pour moi c’est vraiment Salif. Il racontait ce qu’on vit maintenant à l’époque… Des titres de fou, « Ghettoyouth », « C.V », « J’hésite », laisse tomber…
Tu trouves que le rap lyonnais prend une place de plus en plus importante dans l’industrie musicale en France ?
Je ne sais pas si on prend plus de place dans l’industrie avec le rap parisien et marseillais, mais en tout cas on s’intéresse plus à nous aujourd’hui. Midi/Minuit qui fait l’interview d’un Lyonnais, c’était pas pensable en 2005-2006. On est là, un peu plus qu’avant.
On va parler des invités, comment s’est faite la connexion avec Benab ?
La première fois que j’entends parler de Benab, c’est avec Raouf (ex. Only Pro). Un frérot à nous qui nous a beaucoup aidé, un attaché de presse. Premier séminaire à Marseille, il me dit « je te vois bien en feat avec Benab ». On se parlait sur Insta, en plus on est DZ tous les deux. Il était proche de Maes avec qui je m’entends. Je l’ai invité, je suis parti à Paris, on a fait un son mais on n’a pas aimé. Deux semaines plus tard, je l’ai invité à Lyon et on a fait le son du projet.
Tu penses que cette mélancolie te vient d’où ?
Nos vies mon frère, la rue, la prison. Elle vient de nos vécus. La zone, le quartier, les rêves brisés. La routine, le fait de pas avoir atteint nos objectifs de base, c’est tout ça qui crée cette mélancolie dans ma musique.
Le feat avec ISK, ça s’est fait comment ?
Il a de la famille qui habite à Lyon. On s’était parlé sur les réseaux, il a dit qu’il passait voir sa famille à Lyon. On s’est vus au studio, on a bien parlé. Ensuite, je suis monté à Paris et on a fait le son ensemble.
Le projet en commun avec Sasso, tu en retiens quoi ? Artistiquement et commercialement ?
Dans un premier temps, si c’était à refaire je le referai sans hésiter. C’est la famille, c’est un bon, on a commencé le projet en séminaire. On l’a fini en studio à Lyon en rapide. On a bien bossé ça. Commercialement, je m’attendais à plus au niveau des retours. Sinon, je retiens que du bon, c’était une belle expérience.
Quand est-ce que tu as commencé à mettre la tête dans le business du rap ?
Franchement mon frère, quand j’ai commencé en 2017 on me disait déjà que les vues pouvaient payer sur Youtube. Je suis rentré dedans direct, j’attendais la monétisation. Donc ça a commencé par là. J’ai commencé vraiment à prendre des tunes en 2019. La sacem ça a commencé il y a 2 ans, je prenais un peu plus qu’un SMIC.
Tu as déjà fait des concessions musicales business dans ta carrière ?
Oui, sur le projet « Nos rêves ». Million de vues en un jour, je m’attendais à ce que ce projet explose. J’ai pas fait de feat, grosse connerie. Sinon sur « On Verra bien » j’ai voulu faire un certain style de musique pour parler à plus de monde, au final ça n’a pas marché comme je voulais.
La chose la plus chère que tu as obtenu avec la musique ?
Ma mère elle dort tranquillement la nuit. Avant je ne rentrais pas, elle ne dormait pas. Aujourd’hui, elle dort sur ses deux oreilles. J’ai beaucoup d’amour pour mes parents. C’est une grande fierté qu’ils manquent de rien.
Et la chose la plus précieuse que tu as perdu ?
L’anonymat… mon intimité, j’aurais dû me masquer. Tous les jours je fais 20 à 30 photos dans mon quartier, les gens me reconnaissent. Ils viennent au quartier pour me voir.
Écoute « État d’âme » de L’Allemand sur toutes les plateformes de streaming.
Interview : Youcef Benouada