DA Uzi peaufine son rap depuis plusieurs années. Avec « Vrai 2 vrai », son dernier album sorti le 23 juillet 2021, il expose les fruits de ce travail de longue haleine. L’occasion pour lui de s’affirmer comme l’un des tous meilleurs rappeurs de France.
« 2012, envoie des douze, j’suis en C-D à Châteauroux, dix ans plus tard, j’vends des disques » rappe DA Uzi dans son superbe morceau « Génération 90 ». Cette simple punchline est une belle représentation de la carrière – et dans une moindre mesure de la vie – de l’artiste de Sevran. Un parcours balafré, tant dans la musique que dans le quotidien, qu’il raconte désormais sur une instrumentale avec sa voix brisée.
Cover : DA Uzi – « Vrai 2 vrai »
En 2020, DA Uzi a décroché deux disques d’or, pour sa mixtape « Mexico » et pour son premier album « Architecte ». Rien de mieux pour asseoir son statut dans le rap français. Il fallait confirmer la bonne dynamique amorcée il y a plus de trois ans avec sa signature chez Rec. 118. C’est chose faite avec « Vrai 2 vrai ».
Qui fait ça mieux que lui ?
En travaillant sur sa voix, DA Uzi a créé son univers musical. Il alterne sans mal entre l’aigu et le grave, pour soutenir ses lyrics. Le Sevranais n’hésite pas non plus, quand c’est nécessaire, à complètement faire dérailler sa voix, dans un flow crié assez remarquable. Évidemment, l’autotune n’est jamais loin, et des parties chantonnés viennent aérer des blocs de kickage intenses.
Crédit photo : Fifou
En plus de la voix, DA Uzi peut s’appuyer sur son vécu pour donner du relief à ses textes. Il n’est jamais aussi fort que lorsqu’il rappe, quasi-larmoyant, un texte mélancolique. Des morceaux comme « L’impasse », porté par le piano de Sofiane Pamart, ou « Danse lugubre », le démontrent très bien.
S’il est doué pour transmettre des émotions, il ne vaut mieux pas oublier que DA Uzi est un véritable kickeur. Il se permet des démonstrations comme dans les morceaux « Tellement » ou « Fuck Love », qui regorgent de variations de flows et de voix. Grâce à un long travail de sape auprès de son public, DA Uzi a fait en sorte qu’aucun style de morceau de sa part ne paraisse étrange. On l’apprécie tout aussi bien la larme à l’œil que la rage au poing, tant il brille dans les deux exercices.
Derrière son sourire qui semble ineffaçable, DA Uzi tient également à transmettre un message dans ses textes. Lorsqu’il raconte sa vie, il ne la glorifie pas. Comme il le dit lui-même dans « Moi-même », « j’ai plus l’âge de faire des âneries dans l’bloc, j’suis populaire en deuspi maintenant ». Il a également bien conscience que ses erreurs du passé ne s’effaceront jamais, et que « c’est jamais fini dans le binks ». En cela, et même s’il ne se veut pas moralisateur, DA Uzi met en garde ceux qui pourraient fantasmer sur son mode de vie avant la musique.
Une guestlist prestigieuse
Le choix des invités sur « Vrai 2 vrai » en dit beaucoup, puisque presque aucun n’a collaboré avec DA Uzi auparavant. On voit là une réelle volonté de franchir un cap pour l’artiste.
Seule exception, la connexion avec ZKR et Soso Maness, qui même si elle est déjà vue reste d’une redoutable efficacité. Les trois rappeurs ne cessent de s’auto-référencer (« Architecte comme DA, j’suis fier de ma ville comme Soso Maness » | « ZKR, jeune prodige formé au LOSC, dans la lucarne comme Eden Hazard / El Pichichi, cette année, c’est DA Uzi, numéro 93 avec le brassard » | « J’assume pas d’folles comme à Roubaix, j’faisais TP comme un robot / Comme chez Soso, pour les oiseaux, j’suis vrai, j’m’en sors, c’est l’jeu ») pour un morceau vraiment marquant.
MHD est l’invité du morceau « Carabine ». Sur une prod lumineuse de DJ Wiils – qui est, entre autres, derrière « Sale mood » – les deux artistes offrent un titre qui sent bon les vacances au soleil.
Heuss L’enfoiré apporte toute son énergie sur « Costa Rica », le seul véritable son club de l’album, qui fait son effet même s’il n’est pas vraiment surprenant. La facilité qu’a eu DA Uzi à s’adapter à la prod signée Seezy et Zeg P est quand même à souligner.
Le morceau « Jeune d’en bas », en featuring avec Nekfeu, sonne comme une évidence. La tristesse ambiante du titre – et de la prod d’Amine Farsi – sied à merveille aux deux rappeurs, qui s’échangent deux couplets assez touchants.
Enfin, difficile ne pas parler de « 27 », le morceau coup de poing sur lequel on peut retrouver Freeze Corleone.
Toujours irréprochable dans ce registre, le patron du 667 force DA Uzi à cracher toute sa haine au micro dans le second couplet. Un gros banger drill, assez surprenant de prime abord mais qui s’avère au final être l’un des morceaux les plus marquants du projet.
La confirmation de DA Uzi
Le projet aurait peut-être gagné à être un peu plus court, mais c’est loin d’être rédhibitoire. Le rappeur de Sevran affirme son style, maitrise complètement sa voix, ses flows, et sa musique. Une mixtape et deux albums sont sortis depuis sa signature, et aucun d’entre eux n’est réellement en-dessous. On sent l’évolution depuis « Mexico », et c’est normal, mais la patte DA Uzi se perpétue de projet en projet. Un palier a même été franchi en terme de mélodies, notamment sur les refrains, où on n’entend aucune topline facile et/ou générique.
Crédit photo : Fifou
Il est déjà difficile pour un rappeur de s’affirmer à Sevran, tant le vivier de talent y est grand. DA Uzi s’est non seulement fait un nom dans sa ville, mais également dans toute la France. « Vrai 2 vrai » est une confirmation, pour un rappeur qui n’a en réalité plus grand chose à prouver. Comme il le dit lui-même, « j’me rappelle comment j’étais, j’suis content d’c’que j’suis devenu ». Quelque chose nous dit qu’il n’est pas le seul à être content.
Écouter « Vrai 2 vrai » de DA Uzi sur toutes les plateformes de streaming.