Étoile montante de la scène lyonnaise, Sasso a envoyé « Enfant2LaRue Vol. 2 » le 9 juillet dernier. Entre des morceaux dont il a le secret, portés par des prods chaloupées et des toplines ravageuses, il s’aventure sur le terrain de ses prestigieux invités pour livrer un projet plus que solide. Nous avons discuté avec lui.

Midi/Minuit : Salut Sasso. Avant tout, je voulais revenir sur ton décollage fulgurant. En un peu plus de deux ans tu es devenu une figure reconnue du rap lyonnais et même en France. Comment tu les as vécues, ces deux dernières années ?

Sasso : Je l’ai très bien vécu, hamdoullah. Des fois je réalise toujours pas, ce serait te mentir que de te dire que je réalise ce qu’il m’arrive dans la vie de tous les jours, mais franchement ça va. C’est très positif pour moi, et pour les autres gens de la ville.

Cover : Sasso – « Enfant2LaRue Vol. 2 »

Midi/Minuit : Pour parler de Lyon, on voit ces dernières années un vrai bouillonnement, avec deux styles un peu disparates : une scène drill très forte avec Lyonzon, La F, et une scène plus légère, avec toi ou L’Allemand par exemple. Tu sens que Lyon est prête à devenir une scène majeure en France ?

Sasso : Franchement, Lyon est en train de s’affirmer avec la drill, La F, Ashe 22 et aussi, t’as pris un bon exemple en parlant de L’Allemand, lui aussi il commence à confirmer. Ça fair vraiment plaisir, parce que même quand je vais ailleurs, à Paris ou à Marseille, c’est ces rappeurs-là qui ressortent, avec ZeGuerre et tout. Tout ce qui nous arrive c’est vraiment lourd. Je souhaite pas être le leader, je veux juste représenter Lyon, on est tous solidaires ici.

Midi/Minuit : Justement, en plus de Pouya, qui est une évidence, tu invites aussi Ashe 22 et L’Allemand sur le projet, comme pour faire rayonner Lyon. C’était ça ta volonté ?

Sasso : D’avoir plusieurs lyonnais sur le projet c’était obligé. Si j’arrive avec un projet avec que des feats d’ailleurs, je pourrais le faire, mais ça sert à rien. Il faut que les gens découvrent, qu’ils s’intéressent à la ville. L’Allemand on avait déjà fait plein de sons ensemble, Pouya c’est pareil, y a plein de morceaux qui sortiront jamais mais tu connais c’est le frérot. Ashe 22 j’ai pensé à lui pour ramener de la drill. J’avais déjà fait un morceau La F [« Bendo » – NDLR], là j’ai voulu inviter Ashe, et il a tué le truc.

Midi/Minuit : Tu as sorti « Enfant2LaRue Vol. 1 » l’an dernier, et « Enfant2LaRue Vol. 2 » il y a quelques jours. C’est quoi ton ambition avec ces projets ?

Sasso : « Enfant2LaRue Vol. 1 » c’est mon premier projet, et n’importe quel rappeur te le dira, c’est toujours quelque chose le premier projet. Il est sorti en plein COVID, du coup sans CD. Mon but là c’était de sortir « Enfant2LaRue Vol. 2 » mais avec du physique. C’est une bonne carte de visite ces deux projets. Pour la suite, on verra.

Midi/Minuit : En parlant de la suite, dans le morceau « Disque d’or » tu dis qu’un jour tu devras partir. Ça veut dire que, pour toi, le rap n’est pas une finalité dans la vie ?

Sasso : Ça a toujours été dans mon optique, même quand y avait pas de buzz, qu’il y avait rien. Je me suis toujours dit que je pourrais pas rapper toute ma vie, et c’est tout à fait normal, il y a des trucs bien plus importants dans la vie. Pour l’instant je suis là hamdoullah, on sait pas ce qu’il peut se passer à l’avenir.

Midi/Minuit : Quelque chose de marquant dans ton rap, c’est une légèreté, dans les prods et les mélodies. Comment est-ce-que tu décrirais ton rap, pour quelqu’un qui ne t’aurait jamais écouté ?

Sasso : Je dirais que je suis un mec qui ne se prend pas la tête, qui reste comme il est, simple, et qui s’invente pas de vie. Je raconte ce que je vois, ce que je vis, ce que mes potes ont vécu, je suis sincère. Si je montre aux gens que ça va pas dans ma musique, j’ai rien compris à la vie.

Si je commence à pleurer et tout, ça va pas le faire. Je suis pas là pour faire de la peine aux gens, je veux pas les rendre tristes. Je préfère faire sourire des gens que d’en faire pleurer. La musique, c’est surtout du divertissement, le bonheur est ailleurs.

Midi/Minuit : Le disque d’or revient assez fréquemment dans tes textes. À l’heure qu’il est, qu’est-ce-que ça représenterait pour toi une certification ?

Sasso : Pour moi, le disque d’or permettrait aux gens qui ne sont pas de Lyon et qui négligent le rap d’ici de nous respecter. Que ce soit moi ou un autre d’ailleurs. Si un rappeur lyonnais pète son disque d’or avant moi, par Allah j’suis le plus heureux. Ma perception des choses c’est juste que ça permettrait de montrer aux autres qu’à Lyon aussi ça rappe. Avec un disque d’or, t’es pris au sérieux, les critiques peuvent rien dire.

Midi/Minuit : On retrouve le mythique DJ Abdel sur ton morceau « J’ai plus les mots ». Comment la connexion s’est faite entre vous ? 

Sasso : La connexion s’est faite tout simplement. On s’est branchés par l’intermédiaire de DJ Roc-J, et à la base le morceau que j’ai fait devait être sur le projet d’Abdel. On s’est vus au studio, la connexion est passée direct, on a fait le morceau très vite.

Ensuite un peu de temps a passé, on s’est revus quelques mois plus tard, et Abdel nous a proposé de mettre « J’ai plus les mots » sur mon projet, vu qu’il sortait bientôt. On a accepté sans hésiter. C’est la connexion de Casablanca, et c’est du lourd d’avoir DJ Abdel sur son projet.

Midi/Minuit : Et parce que ça m’amuse de faire le parallèle avec DJ Abdel qui est un ancien, tu invites aussi la sensation Moha K sur « Los Angeles ». Même question, elle vient d’où cette connexion ?

Sasso : Moha K c’est le frérot, grosse connexion marocaine et même au-delà de ça c’est le frangin, c’est le sang. Même s’il avait pas eu son buzz et tout ça, il aurait quand même été sur mon projet, c’était obligé. Hamdoullah il a du buzz, et je lui en souhaite encore plus. Quand j’ai commencé à taffer sur « Enfant2LaRue Vol. 2 » j’ai pensé à lui direct, et encore une fois, ça s’est fait naturellement.

Midi/Minuit : Je voulais aussi revenir sur « Elle veut », avec Kaza. C’était une évidence pour toi, de faire un morceau de lover ?

Sasso : De base j’aime pas trop faire des morceaux de lover. Après, il s’avère que le premier million de vues et le premier million de streams que j’ai fait c’était sur un morceau comme ça [« Pardonne-moi » – NDLR]. Dans « Enfant2LaRue Vol. 1 » il y avait un son de lover.

En bossant sur le deuxième volume, on a fait plein de titres, mais il n’y avait pas ce morceau, alors que les gens demandaient. Du coup on l’a fait, on a plié ça avec le poto Kaza, le son est chaud.

Midi/Minuit : Je pouvais pas ne pas t’en parler, tu invites Jul sur « C’est ma vie ». Sans manquer de respect aux autres, c’est le plus gros nom de ton projet. Qu’est-ce-que ça fait de l’avoir ?

Sasso : Je te mens pas, comme j’avais dit dans le « WESH » de Booska-P, le seul feat que je voulais vraiment au-delà de tout, c’était avec Jul. Hamdoullah ça s’est fait, et franchement ça fait plaisir. J’ai beaucoup écouté Jul, ce serait te mentir que te dire qu’il m’a pas du tout influencé, mais après j’ai développé mon truc, et puis ça reste de la musique.

Je comprends que les gens puissent ressentir une influence, mais si demain je me mets à découper, ça va dire que je copie le flow d’untel ou d’untel. Si tu commences à trop écouter les gens t’es perdu frère.

Midi/Minuit : J’ai l’impression, et tu me dis si je me trompe, que quand tu invites quelqu’un en featuring, c’est toi qui t’adapte à lui et pas l’inverse. Ça se voit avec YL ou ISK aussi, dont on a pas encore parlé. Pourquoi ça ?

Sasso : En fait, si je commence à trop ramener les autres rappeurs dans mon style, on va dire que je fais tout le temps la même chose. Alors que si par exemple avec ISK je vais dans son univers, qui est plus sombre que le mien, et si avec YL je vais dans un truc de kickeurs, c’est-à-dire le domaine dans lequel il excelle, ça apporte de la diversité.

Je pourrais très bien les inviter dans mon délire, en mode « J’picole » ou « Napoli », franchement ça pourrait faire un bon tube, mais si je fais que ça les gens vont se dire que je change jamais. Je suis pas là pour ça, et ça me fait mal à la tête de faire le même truc tout le temps. Sortir de ma zone de confort avec mes invités, c’est grave bénéfique.

Midi/Minuit : Il y a aussi une thématique qui revient souvent dans ton rap, c’est la place de l’amour et des femmes. Tu dépeins souvent ça de façon assez triste en plus. C’est un sujet qui te vient naturellement, quand tu écris ?

Sasso : C’est un sujet qui me vient parce que ça parle à tout le monde. Certains se marient et ont des enfants avec leur première relation amoureuse. Pour d’autres, si c’est écrit que tu vas galérer, wAllah tu vas galérer. C’est comme ça, faut pas dramatiser dessus non plus.

Je suis pas là pour embarquer les gens dans un truc en mode « nique l’amour, nique les meufs », c’est pas ça le but. C’est pas parce que moi j’en parle comme ça, que ce sera pareil pour toi, ou pour quelqu’un d’autre. C’est important d’en parler, mais faut pas trop se prendre la tête à ce sujet. Il y a plus important dans la vie.

Midi/Minuit : Tu m’en as un peu parlé, mais je voulais revenir dessus, ton explosion a corroboré avec le COVID-19. Forcément j’imagine que ça a pu te freiner. Comment est-ce-que tu l’as vécu ? 

Sasso : Franchement, je te mens pas, même à l’heure d’aujourd’hui, le COVID j’y pense même pas. En soi, j’ai pété pendant cette période, du coup y avait pas de showcases ni rien, mais c’était pour tout le monde pareil. Même le plus gros rappeur de France il faisait pas de concerts.

Tout le monde était chez soi, sur son téléphone, donc j’en ai profité pour envoyer des freestyles, pour faire encore plus de bruit. Aujourd’hui ça y est la maladie commence à se tasser, les salles de concert sont rouvertes, et les showcases ont repris, donc c’est bien. Le COVID m’a pas mis un frein en vrai, au contraire j’ai fait qu’accélérer pendant cette période.

Midi/Minuit : « Enfant2LaRue Vol. 2 » est sorti il y a quelques jours maintenant. Ça donne quoi les retours du public ?

Sasso : Les gens ils sont en folie frérot. Surpris des feats, des morceaux, ça fait franchement plaisir. On a une grosse tracklist et le public ça le fait réagir, ça nous donne de la force.

Midi/Minuit : Pour conclure, dans « Midi pile » avec YL, tu dis « visage intact mais le cœur est balafré ». La musique, et le rap, ça te permet d’aller mieux ? 

Sasso : En vrai, je vais mieux aujourd’hui, mais c’est pas grâce à la musique ou au rap. Dans ma musique j’explique ce qu’il m’arrive, mais te dire que c’est grâce à ça que je vais mieux ce serait te mentir. C’est que de la musique après tout.

Écouter « Enfant2LaRue Vol. 2 » sur toutes les plateformes de streaming.

Dorian Lacour