Assez peu prisé au sein du rap français, le format album commun semble particulièrement en vogue ces derniers temps avec « SVR » de Kaaris et Kalash Criminel ou le Lacrim et Mister You à venir. Et comment vous dire que ce Leto x Guy2Bezbar ne nous a pas vraiment étonnés lors de son annonce.
En effet, ces derniers sont tous deux issus de Paris Nord et partagent un bon nombre de points artistiques communs. De ce fait, nous avons eu le droit à un 15 titres intitulé « Jusqu’aux étoiles ». Projet commun oblige, les collaborations ne sont pas nombreuses, mais attention, le haut niveau a répondu présent avec les apparitions de Koba LaD et SDM.
Concernant la production, on peut noter la présence de grosses têtes comme Dany Synthé, Hoodstar, Junior Alaprod, Nardey, Scar, Shaz, Richie Beats et Rudynovski ou d’autre moins exposées comme Harrison Dock, Jona Beatz, Just Akash, MCL, MKL, Monster Boys, StillNaS, S-V4GE, Swifta, TN490 ou VLZM.
La Capitale est dans le barillet
Tous deux représentants des quartiers populaires de la capitale, Leto & Guy2Bezbar sont des artistes qui mêlent, au sein de leurs sonorités et écrits, le côté crade et criminel du nord parisien à celui du chic des beaux quartiers et de leurs soirées mondaines. Prods, thèmes ou même flows, Leto & Guy2Bezbar se ressemblent autant qu’ils s’assemblent et c’est donc logique que nous puissions les retrouver aux manettes de ce « Jusqu’aux étoiles ».
Bloc compact, cet album ne semble pas avoir d’ambitions extravagantes, mais il doit cependant servir à quelque chose : exposer leur alchimie, qu’elle soit humaine ou artistique, et les aider à franchir une nouvelle étape au sein de leurs carrières qui s’annoncent encore longue.
Comme nous l’avons dit, Leto & Guy2Bezbar abordent majoritairement dans leurs textes la violence de la rue, la drogue, l’argent, le style, le sexe ou bien la vie d’artiste.
Sur « Jusqu’aux étoiles » on peut noter la présence d’une demi-douzaine de titres énergiques et rappés qui reprennent ces thèmes. « J’suis armé, j’ai pas besoin d’pousser, Hennessy la potion et j’commence la chanson / Toi, t’as fumé ma moula, t’as toussé, y a personne que j’épargne quand ça parle en rançon ». « TP1G », « Sosa » ou « Trap House » en sont de bons exemples avec leurs prods originales tantôt drip tantôt obscures et nocturnes.
Biens produits, ces différents morceaux, dont « Fly », « Rockstar » ou « La Capitale est sous contrôle », sont biens construits avec des ponts, des passes-passes sur les refrains ou des backs de l’un sur les couplets de l’autre. L’alchimie ressort donc grandement, notamment sur « Sosa », et Leto & Guy2Bezbar semblent nés pour rapper ensemble.
Toutefois, le rap banlieusard pur et dur n’apparait pas être leur priorité depuis un certain temps… il était alors logique de voir sur « Jusqu’aux étoiles » une majorité de morceaux plus lumineux et ouverts.
« P.I.M.P. », qui abrite des couplets rappés et des doux refrains chantés, apparait comme l’illustration parfaite de ce projet hybride qui peut toucher tous types de publics.
Le ghetto est chic
Désormais connus du grand public, Leto & Guy2Bezbar se sont ainsi axés, depuis un ou deux ans, sur une musique plus harmonieuse, lumineuse et mélancolique, avec des écrits toujours egotrips et bruts, mais plus abordables pour la masse d’auditeurs. Cette direction artistique se ressent, sans surprise, sur « Jusqu’aux étoiles » avec 8 morceaux chantés qui oscillent entre tubes lumineux ou nostalgiques.
Cette nostalgie/mélancolie qui va de pair avec l’introspection, on peut la noter sur des titres comme « Jeunes et ambitieux » ou l’excellente outro « Jusqu’aux étoiles » qui abordent leurs doutes, leurs ambitions ou leurs passés. « Faut qu’j’m’éloigne un peu d’tout ça mais j’suis trempé d’dans / Tellement trempé d’dans, j’suis même pas à l’abri d’un coup de couteau / Nous on a grandi sans rien, normal qu’on veuille tout ».
Grande réussite, cette conclusion met d’autant plus leur alchimie en avant puisqu’ils arrivent à rentrer dans leurs intimités respectives sans déroger à leurs socles artistiques et à la direction du projet.
Pour ce qui est de la luminosité, on peut apprécier les « Décisions », « Ghetto », « Gangsta Paradise » et « Mais ça va » qui sont tous assez différents dans leurs ambiances. Soirée festive, romantisme ou balade nocturne, aucune excuse pour ne pas streamer selon son mood.
Concernant les deux featurings, SDM et Koba LaD, ces derniers trouvent bien leurs places, car oui, on aurait pu s’attendre à des titres de rap froid, méchant et énergique, mais ce sont bien des hits redoutablement efficaces auxquels nous avons eu le droit.
Construit comme une mixtape, car les titres s’enchainent sans réelle organisation stratégique, « Jusqu’aux étoiles » est donc globalement chanté et entêtant sans toutefois négliger le rap.
Un bon point qui atteste de leur grande polyvalence et de leur respect pour leur public de la première comme de la dernière heure.
Avec « Jusqu’aux étoiles » Leto & Guy2Bezbar ont réussi leur pari, celui de livrer un projet situé entre chant et rap. Ce que les Parisiens savent faire le mieux est ici parfaitement appliqué et les collaborations viennent s’encrer à l’ambiance globale tout en y incorporant leurs pattes.
Cover : Leto & Guy2Bezbar – Jusqu’aux étoiles © Fifou
Efficace et bien réalisé, « Jusqu’aux étoiles » affiche une grande sérénité et ne peut que nous ravir. Leto & Guy2Bezbar forment un bon duo et ont montré que leurs places dans ce rap français ne sont désormais plus à remettre en question. C’est Paris Nord et ça frappe fort !
Écouter « Jusqu’aux étoiles » de Leto & Guy2Bezbar sur toutes les plateformes de streaming.
Illustration : Max Vn