Dibson est parvenu avec son dernier album, « Tous les jours », à se trouver musicalement. Après quelques années de fougue, il s’est stabilisé et compte bien, comme son ami Jul, faire décoller sa fusée. Authentique et extrêmement polyvalent, il a toutes les cartes en main pour devenir un grand nom de la future scène marseillaise. Sans trop de surprise, il figure dans notre liste des 12 rookies à suivre. 

Salut Dibson, est-ce-que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Moi c’est Dibson, je viens des quartiers sud de Marseille, du 9ème arrondissement.

Dibson

Dibson

Depuis combien de temps est-ce-que tu es dans le rap ?

Je suis dans le rap depuis 2013 sérieusement, j’ai sorti mes premières net-tapes à cette époque. 

Pourquoi as-tu décidé de devenir rappeur ?

En fait ça m’est tombé dessus, j’ai toujours été fan de rap depuis petit, j’en ai toujours écouté, mais je ne me voyais pas forcément faire du rap. C’était pas forcément ce qui nous faisait rêver, c’était inaccessible, quand on était minots on rêvait plus d’être footeux. Avec les années j’ai commencé à écrire des textes, je me suis retrouvé à faire des morceaux avec Naps ou Jul, ça m’a fait un petit public. Je ne pensais pas faire carrière, je me testais, ça a été les gens qui me demandaient de sortir des sons solo qui m’ont poussé à me lancer là-dedans.

Pour toi, le rap, c’est quoi ?

Pour moi aujourd’hui c’est mon métier, parce que si je me lève tous les matins ce n’est pas pour rien. J’ai toujours été pro dans la musique, je m’organise comme si je travaillais dans un boulot normal. Après bien sûr c’est aussi une passion, depuis petit. 

Quelles ont été tes influences ?

J’ai été pas mal influencé par les Psy 4 de la Rime, c’est à cette époque que je me suis pris au rap. Il y a eu aussi Rohff, Salif et plus récemment Jul qui a été une influence. Même si je le connais et qu’on a fait des morceaux ensemble il a été un exemple pour moi. Il m’a influencé dans sa manière de travailler, c’est devenu un modèle de réussite pour nous tous.

Comment est-ce-que tu définirais ton style de rap ?

Mon délire c’est une sorte de trap mélancolique, sombre. C’est un rappé-chanté aussi, je fais les deux, je mêle l’autotune et le rap. 

À quel moment est-ce-que tu as senti que quelque chose se passait autour de toi et de ta musique ?

Je pense que ça a été au moment de « Tous les jours », ça a été un élément déclencheur. Au début le son n’a pas plus marché que ça, 10 000 vues en un mois, et au fur et mesure il a fait son trou, il s’est propagé. Énormément de personnes m’ont connu grâce à ça, de voir qu’il a des millions de streams et de vues ça me fait plaisir. Il y a eu aussi la série « #Puissance2Frappe », toutes les deux semaines il y avait de plus en plus de public, c’est aussi ce qui m’a permis de signer.

Tu es dans le game depuis un petit moment maintenant. Qu’est-ce-qui a changé depuis « Cœur de pierre » ?

Pas mal de choses, j’ai compris beaucoup de choses au niveau de la musique. Jusqu’à il y a deux ans où je me suis allié à des labels je faisais tout tout seul. Avoir plusieurs casquettes permet de voir beaucoup de choses, de le voir et de le vivre seul avec mon équipe ça a été un apprentissage, une expérience. Dans ma vie personnelle aussi ça a changé, j’ai été papa. La musique c’est devenu une drogue, je ne peux pas passer plus d’un mois sans aller au studio !

On a vu dans les années 2010 la scène marseillaise exploser avec Jul, SCH ou Soprano, comment est-ce-que tu l’as vécu de l’intérieur toi ?

Vraiment bien, surtout que j’étais assez proche de certains artistes. Je l’ai très bien vécu, je me suis dit « enfin on a un peu de lumière » quand Jul a passé les portes de Marseille. Quand tu regardes c’est peut-être tous les dix ans qu’il y a une nouvelle génération qui fait parler d’elle, c’est pas comme à Paris où tous ans ou même tous les mois tu as de nouvelles têtes. Je me fais la réflexion de me dire qu’il ne faut pas faire comme avant et attendre dix ans avant que la prochaine génération marseillaise émerge.

Justement, tu es très bien inséré dans cette scène. On t’a vu collaborer avec plusieurs artistes, SCH (« Marche arrière »), YL (« #MarseilleAllStar : Episode 2 »), ou encore Naps (« Ma vie »). Il y a un esprit d’entraide sur la scène marseillaise ? 

Ouais on se connait tous parce que Marseille c’est petit. Certains ont été dans les mêmes lycées, les mêmes collèges, dans les mêmes clubs de foot. Il y a de l’entraide c’est sur mais je pense qu’il pourrait y en avoir plus, les rappeurs pourraient créer plus de mouvement. Même si ça va mieux depuis ces dernières années, il faut que le rap du sud se réveille, qu’on fasse des projets ensemble. Quand tu regardes ce qu’a fait Fianso avec « 93 Empire », ça pourrait être pas mal quelque chose de similaire ici.

Je voudrais parler de ton album « Tous les jours » que tu as sorti en fin d’année 2019. Quel place est-ce-qu’il occupe dans ta carrière ?

Il occupe une très grande place, parce que j’ai donné énormément dans ce projet, du temps, de l’énergie. Ça a été l’accomplissement de beaucoup d’années de galère et de travail. On peut penser que faire un projet c’est facile, ça l’est plus en maison de disque bien sûr, mais avant que je sois chez Juston Records, on a pris beaucoup de temps. On a du changer deux ou trois fois la tracklist. Je suis assez insatisfait, on a refait des morceaux jusqu’à ce que je me dise que c’était vraiment ça que j’avais envie de faire.

Dibson - Tous les jours

Disbon – Tous les jours

Comment est-ce-que ton public a reçu l’album ?

Les retours que j’ai eu sont ceux que j’attendais, j’ai été surpris et touché. Il y a énormément de personnes qui m’envoient des messages, encore aujourd’hui, de toutes les villes de France, de toutes les classes sociales. Ça me fait plaisir de voir que je ne me suis pas trompé, c’est ce que le public attendait de moi. Je me suis permis de faire un morceau sur ma fille, « Mila », c’était quelque part une prise de risque, j’ai fait aussi « Pesos » ou « Noche », des morceaux où je ne rappe quasiment pas.

Et, c’est étrange, tu as plusieurs centaines de milliers de vues sur tes clips, un vrai public, et pourtant on a l’impression que tu n’as toujours pas percé. Comment est-ce-que tu expliquerais cela ?

Bah déjà j’ai toujours pas percé ce n’est pas qu’une impression. Je sais pas si je suis le mieux placé pour répondre à cette question, mais peut-être que ce sont certains choix. J’ai des convictions, je sais où je veux aller au niveau des projets, j’ai une vision générale de ce que je suis en tant qu’artiste. Peut-être que certains choix m’ont défavorisé, comme le fait de ne pas aller en label, mais j’étais persuadé dur comme fer que c’était la bonne chose. Au final je me suis rendu comte que je ne pouvais peut-être pas gérer tout tout seul. J’étais jeune et éparpillé. Pour moi cet album c’est un peu le début de ma carrière, je me suis trouvé musicalement et en tant que personne. Tout est aligné, c’est le début de quelque chose, il faut tout niquer. Je pense que je n’ai pas ce que je mérite mais on va aller le chercher. Il y a beaucoup de gens qui croient en ma musique, je ne peux pas les décevoir, on ne peut pas faire marche arrière. 

Tu as sorti ton dernier EP, « Vatos », le 22 avril dernier. Raconte-moi la conception de ce projet…

Alors en fait je comptais à la base faire une réédition de mon album assez rapidement. Ce qu’il s’est passé c’est que niveau contrat je n’étais que sur un projet. Il y a des inspirations qui me sont venues, tu vois « vatos » c’est une expression chez nous, ça tue, c’est efficace, alors pourquoi pas le garder en gimmick. Le confinent nous a poussés à trouver d’autres alternatives, c’était dur de clipper, je devais faire un autre clip de l’album mais je n’ai pas pu. Avec tout ça j’ai voulu tourner la page, et ouvrir une nouvelle page.

Dibson - Vatos

Dibson – Vatos

Justement dans « Couronné » qui ouvre l’EP, tu dis « arrêtez de faire les aveugles ». Tu t’adresses à qui ?

Je m’adresse à ceux qui font semblant de ne pas me voir, je m’adresse aux médias mais pas que, à une partie du public aussi. Je ne peux pas en vouloir aux gens qui ne me connaissent pas, c’est surtout à ceux qui m’écoutent en cachette et ne partagent pas que j’en veux. Je ne suis pas du tout anti-médias mais j’ai vu que très très peu de médias me donnaient de la force, me relayaient, parlaient de moi alors que la plupart me connaissent. C’est pout ça que je voulais entrer sur mon EP avec une phase comme ça, parce que ça m’a un peu déçu. 

Quels ont été les retours de ton public ?

Les retours sont très bons aussi, c’est dans la continuité de l’album. Là il y avait moins de doutes sur ce qu’on allait faire. Je sais ce qui plait à mon public et ce qui me plait à moi aussi.

Si tu devais faire découvrir ta musique avec un seul son, ce serait lequel ? Et pourquoi ?

J’ai envie de te dire que ça dépend quel style de personne tu vises, mais pour moi il y a « Caramelo » quand même. Il me représente le mieux, c’est celui que je kiffe le plus, je me reconnais à fond dedans. Le morceau commence à dater mais je me dis qu’il est un peu intemporel. 

Imaginons, tu as un projet 15 titres qui arrive et tu as le droit à 3 featurings, tu choisis qui ?

Le premier c’est Ninho forcément, déjà parce qu’on était à Skyrock au Planère Rap d’YL ensemble, il apprécie ma musique et pour moi c’est le numéro un actuellement. J’aime beaucoup Lefa aussi, c’est en même temps un ancien et un nouveau, je me reconnais dans sa musique. Et Niro pour le troisième, pour les origines, la fierté marocaine et tout ce qu’il apporte au rap c’est énorme. Quand je vois Niro je me dis qu’on peut réussir en gardant ses convictions, et puis il est trop fort. 

Comment est-ce-que tu vois l’évolution de ta carrière ?

Là on est sur des projets, je peux juste te dire que « Vatos » ce n’est pas complètement terminé, on a des trucs qui arrive…

On peut s’attendre à quoi pour la suite de ta carrière ?

Un deuxième album qui arriverait, mais je ne suis pas vraiment dessus encore. Il y a des clips qui vont arriver très rapidement cet été en revanche.

 

Dorian Lacour