Illustration : Loic Venance
Enfant terrible du Rap français, cajolé par les uns et transgressé par d’autres (n’en importunent à ses antagonistes) ; l’épiphénomène Booba c’est avant tout la robustesse du texte brut, un condensé de colère et d’antipathie.
Pour transpercer les époques s’abouter ne suffit pas. Il faut être illuminé et déchiffrer les nouvelles tendances. De ses débuts plus que prometteurs avec son acolyte Ali au sein de Lunatic, à la sortie de son denier projet en date ‘’Trône’’, l’artiste aura toujours su se réadapter et se métamorphoser tel un caméléon changeant de biotope. Entre épanchements de sang, trainées d’ichor et acquiescement paroxystique ici on fait dans la « méta gore » plus de deux décennies qu’il fait la guerre, le milieu du rap est sous le façonnage de « Griot Boulbi » 92 INJECTION.
Comment s’explique ce règne.
Booba c’est avant tout 14 projets (11 disques d’or, 8 disques de platine, 7 doubles disques de platine, 3 triples disques de platine), difficile de trouver un tel palmarès parmi ses compères de la scène rap. Toutefois le duc de Boulogne aura dû se confectionner une reconnaissance plus que value auprès d’un public des plus maniaques et d’une critique toujours plus pointilleuse cycle après cycle.
De son passage en tant que danseur hip-hop dans le groupe Coup d’État Phonique (sous le nom de « Tic-Tac ») à sa rencontre au feeling avec Ali, l’artiste aura connu des hauts et des bas comme tout individu vivant dans les banlieues parisiennes. Avec Ali nait le groupe Lunatic (un des pionniers du rap conscient) qui lui véhiculera une touche de reconnaissance en obtenant un disque d’or (100K ventes) en Indépendant, le 1er de l’histoire du rap français. C’est alors que l’artiste se lance dans une carrière solo en publiant son premier classique « Temps Mort » en 2002.
A travers « Temps Mort », l’artiste illustre que la récréation est terminée, pas de figuration mais une place à conserver parmi les tous meilleurs de sa génération. Nul amateur de rap ne peut enlever à « Temps Mort » la reconnaissance qu’il mérite tant il aura inspiré plus d’un rappeur avec des titres tels : « Repose en paix », « Nouvelle école », « Ma définition »…
Au début des années 2000, l’auditeur de rap demandait, du rap gangsta (le gangsta rap est caractérisé par des thèmes abordant la rue, la drogue, l’alcool, l’apologie des armes…). Kopp a su répondre à cette demande avec la publication de son projet le plus vendu à ce jour ‘’Ouest Side’’ (2006) scruté comme un classique du rap français porté par des titres comme : « Boulbi », « Pitbull », « Couleur ébène », « Mauvais garçon »…
Être visionnaire et savoir quels sont les besoins du public en font deux, mais Booba peut s’enorgueillir d’être à ce jour le précurseur de l’autotune (logiciel de correction de la voix) en Hexagone. Ce nouveau procédé lui a attiré abondamment de critiques avec son album « 0.9 ». Les auditeurs de rap n’étant pas acclimatés à cette nouvelle recette, un manque de légitimité lui a été reproché ; 0.9 fut classé comme un échec par les auditeurs. Aujourd’hui ce procédé est devenu banal dans le rap français (PNL, Damso, Vald, SCH, Maes, Gims…), Booba en exprime d’ailleurs une réponse à tous les rappeurs français critiques de cette utilisation il y’a quelques années. Et quand en 2015 la trap était à la mode, Booba a encore su s’adapter avec son classique « Nero Némésis ».
‘’Les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’histoire’’ 9.2i Veyron
‘’Le malheur est dans le béton, le bonheur est dans le pré’’ – Comme les autres
À travers toute sa discographie, Booba aura toujours su se redécouvrir et renaitre à chaque fois des cendres tel un phénix.
Diversification de ses activités (Unkut, OKLM, D.U.C…)
‘’Plutôt crever que de taffer à l’usine’’ dès 2002, l’artiste donne le ton et de quelle manière ! Dans « Au bout des rêves » Kopp ne regardera plus en arrière mais plutôt vers le turfu d’où il ne reviendra jamais. Il sait ce qu’il veut. Pour établir une carrière longue, la musique ne suffit pas et il l’a hâtivement compris.
Fondés en 2004, Unkut a alors connu une popularité incroyable avec des recettes avoisinant toujours, les 10 millions de chiffres d’affaires par an. Elle devient ainsi la marque de streetwear la plus vendue d’Europe tout en sponsorisant certains matchs de la ligue 1. Cependant, n’étant pas propriétaire de la marque, l’artiste a toutefois énormément contribué à l’extension de celle-ci. Pour des raisons d’altérités l’artiste a décidé de lancer en 2019 sa propre griffe de streetwear en s’adjudant les services d’un spécialiste de la culture hip-hop et fondateur d’OPM (Original People Mind), le styliste allemand TOME (concepteur de Rocawear pendant 10 ans). C’est alors que « DCNTD » est née, 1er Pop-Store ouvert à Châtelet pour l’occasion sous une foule de ratpis curieux de découvrir la dernière création de Kopp. DCNTD se veut déconnecté, construite et réfléchie tout en étant adaptée à un monde qui ne cesse d’évoluer. En d’autres mots, l’opposé de UNKUT. En plus de sa marque de vêtements, Booba crée tout d’abord son site internet ‘’OKLM.COM’’ en complément il lance la radio « OKLM Radio » en 2016. Cette radio se veut prétendante de SKYROCK qu’il ne chérit point. Elle inocule des performances exclusives des rappeurs, des interviews, des émissions, des débats et des chroniques avec des professionnels du rap (Medhi Maizi, Jacky Brown…). Fort heureusement pour le public ses prospectus sont adaptés à la télévision sur sa chaine lancé un an après « OKLM TV » disponible partout dans la zone francophone.
‘’On ne boit plus que du D.U.C’’– Bouyon
Fini le Jack Daniel’s qu’il idolâtrait tant, place au D.U.C Whisky. Pour la création de ce marc, Booba s’est associé avec les meilleurs en faisant hèle à la maison de prestige « la Maison Daucourt » reconnue pour l’excellence de ses whiskys (depuis 1789).
Elie Yaffa, le dénicheur de talent
‘’Dans le game j’ai crocs de félins’’ venant d’un autre rappeur cela aurait été pris pour une énorme prétention mais lorsque Élie Yaffa l’a dit dans « ZER » personne ne pouvait le chicaner tant il a lancé abondamment de talents à travers ses labels : Benash, Shay, Siboy, Bramsito, 40k Gang, Dixon, Damso (qui n’est plus à présenter), Lestin…
Qui pourrait oublier l’entrée fracassante qui a permis à Kaaris dans ‘’Kalash ‘’ de pondre l’un des plus amples classiques de cette décennie « Or Noir » avec toute l’équipe de Booba au complet (Therapy à la prod, Chris Macari à la réalisation). La cartésienne est simple, soit t’es avec lui, soit t’es contre lui. Niska, Maes, Lacrim, Médine, Dosseh et tant d’autre l’auront compris ; en cela l’artiste a énormément contribué à leur pétarade populaire par des partages sur les réseaux sociaux, des interviews, des freestyles sur ses chaines OKLM.
Bien au-delà de tout ceci, être proche de Booba permet à un de ses compères de rap de non seulement être validé par la plus grande fanbase francophone (les Ratpis) mais aussi d’avoir accès à certaines sphères très fermées du Rap Game.
L’isolement au pays de l’oncle Sam
Fort de cette notoriété, Booba a eu la prérogative d’être le 2ème rappeur au monde après Kanye West à voir son parcours être étudié au sein de la plus prestigieuse université du monde : l’université d’Harvard. Une réussite à la française étudiée méticuleusement sous l’ouvrage French Odyssey Supernovas. Les bonnes choses ne venant jamais seules, l’artiste c’est vu être chapeauté « businessman de l’année » par le magazine GQ véritable reconnaissance pour tous ses projets lancés avec panaches courant 2016.
Se reposant sur son herculéenne communauté de ratpis, Kopp aura réussi son énorme pari de la décennie et de quelle manière ; en remplissant la plus grande salle de spectacle d’Europe (U-Arena), le Duc de Boulogne entra un peu plus dans l’histoire du rap français.
« J’ai jamais su ce qui était mon rôle dans la vie à par être riche et avoir une piole à Miami Beach » – Au bout des rêves.
Ce qui caractérise certainement le mieux Booba est qu’il réussit toujours et de façon assez spectaculaire, il faut bien l’admettre, à toucher du poing ses rêves. En s’installa commodément à Miami dans le pays de l’oncle Sam, Kopp traverse le temps comme Highlander et voit chacun de ses concurrents périrent les uns après les autres en Hexagone.
« Sur tous les mecs que j’ai croisé en featuring durant ma carrière, combien sont encore debout ? La longévité est tellement rare que ça soit dans la peinture, la littérature ou le sport… ».
Difficile de lui donner tort dans cette interview ; tout en espérant le voir procréer un autre classique en 2020, nous vivons manifestement les derniers instants de celui qui s’installa sur le trône du rap français pour ne plus le lâcher ou seule la mort pourra être capable de le détrôner et anéantir à jamais le règne d’Elie Yaffa et de son empire « 9.2.i ».
Excellent article écrit par un passionné avec le sens de la formule ☝