Avec « État d’esprit », S.Pri Noir propose un nouvel album qui réunit tout ce qu’il sait faire de mieux. Alors qu’une hype est née autour de lui ces dernières années, le rappeur du 20e arrondissement se devait de répondre aux attentes. Qu’en est-il ?
S.Pri Noir est réellement un rappeur unique en France. Alors qu’il s’implique dans plusieurs domaines, et qu’il est même devenu égérie Adidas, on aurait pu craindre qu’il délaisse le rap. Heureusement, il reste attaché à son premier amour, et son nouvel album « État d’esprit » a tous les aspects d’une véritable déclaration d’amour au hip hop. Dès l’intro du projet, « Multiplayer », on est plongés dans l’univers de l’artiste. Après une première partie chantonnée à grand renfort d’autotune, sur une prod cloud, S.Pri découpe l’instrumentale dans les règles de l’art. Ça peut dérouter, mais comme il le dit lui-même, « ils ne comprendront jamais », et après tout ce n’est pas bien grave.
Cover S.Pri Noir – État d’esprit (© Fifou)
S.Pri Noir ne propose pas le rap le plus accessible, et s’il a connu de grands succès commerciaux, c’étaient essentiellement des featurings. Pourtant, le milieu du rap sait de quoi il est capable, et la validation du grand public ne semble pas être une finalité pour lui. Sans jamais être défaitiste ou se résigner, S.Pri continue de faire ce pourquoi il est le meilleur. Pour faire simple, ça consiste à varier les flows, apporter énormément de musicalité à son rap et – très – bien s’entourer.
Toujours bien entouré
Les featurings sont nombreux sur cet album, et ils sont pour la plupart de très bonne facture. Leto dans « Mannequin » et le 4Keus dans « Night and Day » apportent leur savoir faire pour des tubes légers qui restent en tête. Alonzo montre toute sa versatilité sur « Maman dort », même si on aurait aimé que le morceau soit un peu plus kické, à l’image de « Badman » en collaboration avec Lefa qui est un bon compromis entre pop urbaine et rap traditionnel. Logiquement, S.Pri Noir étend son horizon musical au-delà des seuls rappeurs, en conviant Lyna Mahyem et Dadju pour deux parenthèses R&B, qui détonnent et apportent de la fraicheur au projet.
Si tous les invités sont à la hauteur, certains tirent un peu plus leur épingle du jeu que les autres. Ainsi, Laylow nous offre une petite perle de mélancolie avec « Le plan ». Le toulousain se marie parfaitement à S.Pri Noir, pour donner naissance à un tube unique en son genre. Et comment ne pas parler de « T’as capté ? », dont le clip a été envoyé une semaine avant la sortie de l’album. Avec ses collègues de toujours, Sneazzy et Alpha Wann, S.Pri offre une leçon de kickage. Refrain efficace, couplets de haute voltige sur fond d’egotrip, prod minimaliste mais entêtante signée Biggie Jo, clip exceptionnel, tout est réuni.
Des clips dignes du Festival de Cannes
L’image est un pilier du rap de S.Pri Noir. Ses clips sont toujours des petits bijoux, et ceux d’« État d’esprit » ne dérogent pas à la règle. En plus du sublime « T’as capté ? » qui nous emmène sur les sommets enneigés du Pic du Midi, deux autres clips ont été publiés. Celui de « Dystopia » nous montre un Paris post- apocalyptique froid et pesant. Qu’on le veuille ou non, les clips qui apportent une réelle plus-value à la musique ne sont pas légion dans le rap français. Celui de « Dystopia » est un bel exemple, les images sombres et violentes viennent en contradiction avec le flow mélodieux de S.Pri Noir, et donnent réellement de la profondeur au morceau.
On retrouve S.Pri Noir grimé en agent secret dans le clip de « 4 litres 2(Freestyle) », toujours dans un univers ultra-futuriste. C’est d’ailleurs ce son qui conclue l’album, et il fait très forte impression. Le rappeur du 20e laisse son flow envoyer en orbite une prod (une nouvelle fois) signée Biggie Jo. Une superbe conclusion à un album qui ne laisse décidément pas indifférent. À noter également que tous les morceaux de l’album sont accompagnés d’une vidéo en images de synthèse, qui ne sont « pas un clip t’as capté ? ».
Un album conquérant
On pourrait croire que S.Pri Noir s’efface derrière ses invités et son imagerie, mais ce serait commettre une grave erreur. Les solos de l’artiste sont tous très bons, et ils lui permettent de davantage s’ouvrir, à l’image de « 100 regrets ». Le rappeur dit lui-même qu’il s’agit du morceau le plus introspectif de l’album, et on a vite fait de se laisser emporter par la tristesse qu’il nous communique. Si l’univers de S.Pri Noir est aussi poussé et unique, c’est parce qu’il est le résultat d’un travail de plusieurs années. Un album comme « État d’esprit » lui permet d’exposer toute sa palette artistique, et c’est franchement agréable.
On regrettera l’absence du Nekfeu, tant l’alchimie entre les deux artistes est folle, mais ce serait être tatillon que de reprocher cela à S.Pri Noir. Sans tomber dans le cliché, on peut affirmer qu’avec son cinquième album, il semble avoir atteint une certaine maturité musicale. Plus court que « Masque blanc » (sorti en 2018), « État d’esprit » évite la multiplication des sons fileurs, facilement oubliables, et est donc plus efficace. Un album épuré donc, mais terriblement efficace. Entouré d’un panel d’invités de renom, S.Pri Noir montre toute l’étendue de son flow sur des prods variées et assez mémorable, en plus d’offrir des clips visuellement irréprochables. Pour faire simple, c’est une réussite. T’as capté ?
L’album « État d’esprit » de S.Pri Noir est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Photos : Fifou
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