Plus d’un an après le second volume de sa série « JVLIVS » le scélérat du rap français a effectué son retour le 18 novembre dernier avec une mixtape de 14 titres intitulée « Autobahn ».
Clin d’œil direct à « A7 » avec comme nom le terme allemand d’autoroute, ce projet accueille deux collaborations : le plus mélancolique des artistes du 93, Dinos, et l’étoile montante So La Lune. Morad est lui présent sur l’un des trois titres bonus.
En ce qui concerne la production, on peut noter la présence de nombreux beatmakers de renoms : 2K, Akuma Tracks, BBP, Bvker, Freaky Joe, Gancho, Geo On The Track, Guilty, Ikaz Boi, Lil Ben, LUCASV, Milo Silbermann, Nicolas Khelif, Seak, Stef Becker, Timo Prod, Treg, Vito Bendinelli et Yaya OnTheTrack.
Le rugissement de l’A7
Solidement imposé comme une tête d’affiche du rap français, SCH est aujourd’hui un artiste qui n’a plus rien à prouver. Ses succès critiques et commerciaux parlent d’eux-mêmes. Toutefois, les retours de « JVLIVS II » ont été mitigés avec des critiques sur son orientation artistique soi-disant « trop marseillaise ». Insensée et discriminante, cette image qui lui colle à la peau depuis « Bande Organisée » pèse donc sur le marseillais lors de la sortie de « Autobahn » et cela, SCH l’a bien compris.
Pour contrer ces attaques surprenantes, le S a ainsi décidé de proposer sur ce 14 titres un bon nombre de titres rappés, ténébreux et imposants. Parmi eux, on peut noter la puissante intro « Magnum » qui lance idéalement le projet, l’obscure drill « Niobe » ou l’oppressant et nocturne « Lilou Dallas ».
Composés avec minution et sérieux, ces différents titres montrent que SCH n’a bien évidemment rien perdu de son charisme et de sa plume malfaisante. Ses écrits sont soignés et sa sérénité semble imperturbable :
« Cinquième élément, sixième sens, j’rentre, mes vêtements sentent l’essence/Violence dans les gènes dès la naissance à chercher l’vrai sens et la cohérence/Y’a la BRI pas loin du carré VIP, commission rogui’, photos en 4K/On rentre, on passe les cam’ au FatCap, on fait dépasser les cross des parkas » (Lilou Dallas)
« Décroche une tirette à la pelleteuse, une ouvreuse, une porteuse, oh, ça prend ton genou à la perceuse/Attache de l’importance aux munitions et à la condition, j’en fais qu’un sans réédition, aucune émotions » (Offshore).
Annoncé comme une mixtape, « Autobahn » n’en n’a pas vraiment l’air avec une construction précise qui incruste des interludes qui renvoient à l’automobile germanique mais aussi avec une pluralité d’ambiances qui tournent toutes autour d’un rap brut sans être totalement redondantes (quelques petites répétitions dans les flows et instrumentales).
En effet, boom-bap, 2step, egotrip, drill, tous « les raps » sont réunis pour un cocktail sorti du concessionnaire Porsche. Rapper, SCH sait donc le faire, et des performances comme « Lilou Dallas », « Offshore » ou « LIF » ne nous surprennent pas réellement, toutefois, il manque là quelque chose qui ferait de « Autobahn » un projet solide et complet.
Ce quelque chose, le marseillais l’a matérialisé avec des titres plus lumineux, doux et légèrement personnels qui exposent sa large palette qui fait de lui un artiste unique…
Soleil ou pluie sur la carrosserie
Satisfaisant et rassurant pour les plus sceptiques, SCH a de ce fait rempli une partie de son contrat avec des performances rap diverses et solides. La seconde partie du contrat doit elle toucher son nouveau public, celui survenu après « Bande Organisée ».
Pour cela, on peut retrouver le titre éponyme, « Autobahn », qui adopte un type Jul énergique et un refrain dévastateur. Destiné à toucher la masse, ce dernier reste néanmoins travaillé et cohérent à la DA du projet avec un clip esthétique qui renvoie à la course automobile. Ici, le marseillais semble épanoui et démontre qu’il peut fournir un travail de qualité sur un titre dit « facile ».
Les deux collaborations, Dinos et So La Lune, nous permettent elles d’apprécier des performances lumineuses et entrainantes aux refrains chantés et aux couplets qui ne quittent jamais vraiment le rap. L’alchimie y est forte et cela se ressent, d’autant plus que SCH avait déclaré lors de son passage sur « Le Code » de Mehdi Maïzi qu’il avait été particulièrement bluffé par le talent de So La Lune.
Cette alchimie s’illustre également par l’implication des invités qui n’hésitent pas à glisser des références à l’univers du S : « Papa m’reniera jamais, j’suis ni flic, ni non-binaire » (Dinos sur Marginaux) / « J’reviens de loin, j’ai le fusil sur la A7 » (So La Lune sur Transmission Automatique).
Pour compléter la liste on peut se pencher sur des morceaux comme « 83K », « Cœur de môme », « Blanc Bleu » ou « Actes » qui sont assez doux, gris et personnels et qui attestent que SCH peut être un artiste brut et méchant comme plus doux et sentimental.
Tous très intéressants, ces différents morceaux exposent la sérénité artistique d’SCH qui ose et qui ne se prive pas de faire ce qu’il veut, quitte à « décevoir » une partie de ses fidèles.
Construit comme un véritable album, « Autobahn » est finalement un projet satisfaisant qui nous permet de passer par plusieurs émotions sans oublier le rap, car c’est ici le pilier omniprésent. Oui SCH sait rapper et nous n’avons jamais remis cela en question. Comme pour « Deo Favente » ou « Rooftop », « Autobahn » semble se diriger vers un projet critiqué à ses débuts puis décrit comme sous-coté par la suite… Rien ne change mais SCH, lui, évolue !
Écouter « Autobahn » de SCH sur toutes les plateformes de streaming.
Illustration : Camulo James