Absent depuis octobre 2019, date de sortie de son second album « Rémy d’Auber », Rémy a effectué son retour ce 21 janvier avec « Renaissance », son troisième album. Relativement bien reçu par la critique spécialisée, ses deux premiers opus l’ont positionné comme un artiste de rang au sein de la scène « rap conscient mélancolique » dont il se revendique.
Toutefois, et malgré un disque d’or pour « C’est Rémy », ces bonnes critiques n’ont pas été accompagnées d’un grand succès commercial, du moins pas celui attendu pour son immense talent. Reconnu pour ses qualités lyricales, Rémy a donc avec « Renaissance » pour objectif de cocher la case du succès commercial et non plus seulement celle du succès d’estime.
Teasé avec les singles « Coco » et « 97 Mesures » sur lequel nous allons revenir plus tard, « Renaissance » est composé de 17 titres, un format idéal pour un artiste qui a beaucoup de choses à raconter. Bien réparties sur le projet, 3 collaborations sont présentes : Hatik, DA Uzi et son mentor Mac Tyer.
En ce qui concerne la production on pourra retrouver 11 beatmakers qui sont Almess Beats, Geo On The Track, Leveatz, Matojah, Mohand, Murphy Andou, Ova Ground, Prof366or, Srk, Wysko et Xavier Belin.
Cover : Rémy – Renaissance
Une base artistique solide et sincère
Depuis ses débuts le natif d’Aubervilliers s’est efforcé d’imposer un univers mélancolique et gris accompagné de sonorités « à l’ancienne ». Criants de réalisme, ses écrits traitent de sujets comme la vie en cité, lieu au-delà du Periph qui n’intéresse que très peu les hautes sphères de l’État, le mélange des cultures, l’entraide ou la trahison, la précarité sociale et économique ou bien ses gamberges quotidiennes.
Sans surprises, on pourra retrouver sur « Renaissance » tous ces thèmes qui font de Rémy un artiste touchant qui narre avec précision un quotidien morne qui ne semble pas avoir de débouchés ensoleillés.
Calme, nonchalant et émotionnel, « Baume au cœur » représente assez bien cet univers et aborde son combat solitaire contre ses difficultés journalières. Rempli de doutes, son quotidien torturé est évoqué sur le bien nommé « Doutes », en collaboration avec son double Mac Tyer, qui met en valeur sa facilité à véhiculer avec mélancolie des émotions puissantes et propres à n’importe qui. Rémy touche alors tout le monde et ses écrits dépassent la sphère banlieusarde.
Mature, Rémy ne se cantonne pas à un simple rôle de narrateur et critique avec justesse les côtés les plus négatifs présents en bas de ses tours. À travers « Parano » les « loosers de la tess » sont mis face à leurs échecs : « C’est bien charo continue voile toi la face, quand tu comprendras à 35 ans que la cité c’est rien », « tu regardes le ciel t’auras rien construit de tes mains », « 23 ans dans l’bat Cristiano était à Manchester, quand j’étais déjà au stud toi en GAV c’était pas mort », « la vie c’est Game Over si t’as pas joué le jeu ».
Placé en point final de Renaissance, « 97 Mesures », qui peut avec le temps s’imposer comme le titre référence de Rémy tant ses écrits et mélodies sont bluffantes, englobe tous ces éléments mentionnés auparavant à savoir une introspection profonde et touchante, une description nostalgique ou actuelle de la vie au milieu des grands ensembles HLM et une critique juste et révoltée des gens qui tirent vers le bas les banlieues françaises.
Parfait, ce couplet unique de 5 minutes 30 raconte comment « autrefois sa vie c’était de la D », appel l’auditeur à avoir des principes et des valeurs, à « poser le front au sol », « à ne pas mettre 2K dans une stevé » et expose sans détour la cruauté de la précarité : « pendant qu’tu pleures pour avoir l’dernier jeu, y’a une famille qui fouille dans ta poubelle », « Y’en a ils s’tuent aux comprimés », « J’en vois beaucoup du 13ème, la cité dans le noir ».
Cependant Rémy ne se contentera pas de faire un simple constat et mettra des touches d’espoirs dans certains de ses titres. Sur « Trop Deter » il « n’oublie pas d’où il vient et sait qu’il quittera un jour la tess ». Sur « J’ai fait le tour » Rémy relativise sur son quotidien, ses doutes et amène avec un chant entêtant et lumineux une touche d’espoir car qui sait « peut-être demain c’est son jour ».
S’ouvrir pour élargir ses horizons
Homogènes, ses deux premiers albums lui ont permis de consolider sa base d’auditeurs la plus fidèle mais pas de conquérir un public plus large. Sur Renaissance la donne est différente et c’est ce qui fait que cet album est une réussite et peut être une étape importante de sa carrière. En effet on peut retrouver plusieurs titres aux sonorités exotiques, lumineuses ou festives. Concernant les ambiances festives on peut compter « Sur la côte » qui possède un refrain chanté dévastateur, une instrumentale club et un flow effréné.
Dans le même esprit que ce dernier qui s’affiche clairement comme un tube, on peut noter la présence de « Le Bilan » qui reprend le refrain de « Le Bilan » des Nèg’ Marrons. L’exotisme lui se fait ressentir sur le léger, planant et très ensoleillé « Miami ».
Outre ces sonorités qui se situent hors de la zone de confort de Rémy, on peut apprécier des morceaux comme « Baltimore », « One Punch Man », « Bavard », « Coco » ou « Flammes » (avec Hatik) qui ne possèdent pas de réels thèmes et qui reposent sur des ambiances sombres, un kickage agressif et des références egotrips.
Avec ces différentes ouvertures qui peuvent s’apparenter à des prises de risques pour l’univers de Rémy, ce dernier livre un projet équilibré et varié qui a de grandes chances de conquérir de nouveaux auditeurs.
Véritable réussite, « Renaissance » est un projet solide et complet qui reprend les fondamentaux de Rémy tout en y incorporant des morceaux plus « grand public » et accessibles pour des auditeurs moins avisés. Ça y est, le natif d’Aubervilliers a trouvé la recette et une chose est sûre, « Renaissance » va nous accompagner pendant un bon bout de temps.
Écouter « Renaissance » de Rémy sur toutes les plateformes de streaming.
Pas mal, par contre j ai compris le sens du morceau serbie. Pour ou contre?