Cinq mois après la sortie du septième volume de sa série de Mixtapes “Hitler Wears Hermès” ainsi que de l’album “WWCD” du groupe Griselda acclamé par les critiques et les fans, Westside Gunn, le rappeur prometteur de Buffalo, revient en grandes pompes avec son dernier projet “Pray for Paris” sorti sur les plateformes de streaming le 17 avril dernier.

Aux commandes du projet, on retrouve deux légendes de la production : DJ Premier (10 Crack commandments de B.I.G, Reasonable Doubt de Jay-Z, de nombreux projets de Drake) et The Alchemist (qui a travaillé sur DAMN de Kendrick Lamar, The Carter 3 de Lil Wayne, ainsi que sur de nombreux projets de Nas, Mac Miller, 50 cent, Mobb Deep, etc) qui apportent une ambiance très old-school se fondant parfaitement dans l’univers de Westside Gunn.

Westside Gunn (Photo : DR)

LA BOURGEOISIE PARISIENNE ET LE GHETTO  AMÉRICAIN 

C’est au cours d’un voyage dans la capitale française à l’occasion de la Fashion Week que le rappeur signé chez Slim Shady Records a enregistré les 13 tracks qui composent ce projet : “J’étais en voyage à Paris pour huit jours. J’ai enregistré Pray for Paris le sixième jour. Je n’y étais pas allé spécialement pour enregistrer quelque chose, mais il y a eu trop de moments lourds, j’ai voulu faire une dédicace à Paris car cette ville a changé mon mode de vie explique-t-il dans une interview avec DJ Booth.

Les références qui ramènent à la bourgeoisie parisienne et la vie de luxe sont omniprésentes sur la mixtape et ce dès la pochette. En effet, celle-ci est un montage de la peinture de Caravage “David portant la tête de Goliath”, sur laquelle David arbore de nombreuses chaînes en diamants appartenant à Westside ; elle a été conçue par le célèbre designer Virgil Abloh.

Cover : Westside Gunn – Pray For Paris

L’introduction “400 Million Plus Tax” ouvre le projet avec un enregistrement d’une enchère d’art qui monte à plusieurs centaines de millions de dollars, “Party with Pop Smoke” fait référence à l’after-party du défilé Louis Vuitton auquel le feu rappeur de Drill de Brooklyn a participé un mois avant sa mort. “French Toast” nous emmène déjeuner avec Westside dans un café parisien : il y raconte ses anciens crimes en tant que membre des Crips de New York. La conclusion du projet “Le Djoliba” rend hommage au restaurant éponyme sénégalais du 3ᵉ arrondissement. On retrouve à nouveau un parallèle entre l’ancienne vie du rappeur et sa nouvelle : “On the cover of Forbes, just me and my stove” – Référence au magazine de mode ainsi qu’aux ustensiles qu’il utilisait pour cuisiner du crack.

DANS LE CONFESSIONNAL

La production spectaculaire des onze producteurs qui accompagnent Westside au cours de ces courtes 40 minutes (Beat Butcha, Bohemia Lynch, Camoflauge Monk, Conductor Williams, Daringer, DJ Muggs, Jay Versace, Tyler, The Creator) nous donne l’impression de suivre Westside au cours de ses huit jours en France. Au programme, des nombreux beats boom-bap, des samples de Jazz et de Soul qui apportent une touche  très mélancolique et “bougie”. Le meilleur exemple de cette ambiance est le cinquième morceau du projet : “French Toast”. On retrouve dans ce morceau un magnifique sample de piano accompagné Joyce Wrice au refrain. Westside y confesse ses crimes et erreurs tout en appréciant les nouvelles opportunités qui s’ouvrent à lui (“Used to sell crack out the backdoor, but now i’m out in Paris”). Sur $500 Ounces, il y détaille la vente de drogue, les aller-retours en prison et les nombreux meurtres commis par son gang.

UN UNIVERS INNOVANT MAIS FAMILIER

Il est impossible de ne pas reconnaître l’empreinte de Westside Gunn tout au long du projet. On retrouve ses adlibs devenues maintenant iconiques chez  les connaisseurs (les fameux “Ayo” si particuliers à l’argot  New-Yorkais, les imitations d’armes automatiques et de différents pistolets), les instrumentales au BPM bas mais accompagnées de samples très dansant, un flow nonchalant et des punchlines qui nous emmènent au coeur des guerres de gang américains.

Un incontournable des mixtapes de Westside Gunn est aussi la référence au catch. Dans ses précédents projets “Hitler Wears Hermes” et “FlyGod” on retrouvait des morceaux comme “Undertaker vs. Goldberg”, “Lucha Bros” ou “Smackdown”. Sur Pray For Paris, on retrouve “Claiborne Kick” en référence au fameux coup de pied du catcheur Liz Claiborne ainsi que “Shawn vs Flair”, un clin d’oeil aux deux stars de la WWE Rick Flair et Shawn Michaels.

DES FEATURINGS DE POIDS

Pour le plus grand plaisir des auditeurs, Westside Gunn n’est pas le seul artiste à bénir les treize morceaux de ses rimes. On retrouve les deux autres membres de Griselda Records – Conway The Machine et Benny The Butcher – sur “George Bondo”, Roc Marciano et le légendaire Freddie Gibbs sur “$500 Ounces”. Ces rappeurs rentrent parfaitement dans l’ambiance du “New Old School” dont le groupe Griselda et Freddie Gibbs font parti.

Beaucoup ont cependant reproché à l’artiste de ne pas se diversifier. Pour répondre à ce problème, on retrouve des artistes qui ne viennent pas du tout de la même sphère de rap que Westside comme Joey Bada$$ et Tyler The Creator sur “327”, Wale et Joyce Wrice sur “French Toast” ainsi que le tap-dancer Cartier Williams sur “LE Djolliba”, ce qui nous donne une réelle impression que Westside Gunn essaye de se réinventer.

Ceux qui connaissaient déjà le protégé d’Eminem et de Jay-Z ne seront donc pas déçus par “Pray For Paris”, qui est aussi un projet parfait pour les nouveaux auditeurs. On peut cependant attendre d’avantage d’innovation venant de l’artiste pour les prochains projets, même si Pray for Paris s’inscrit d’ors et déjà comme l’un des meilleurs de l’année 2020.

 

L’album « Pray For Paris » de Westside Gunn est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

 

Chad Gaspard