Le 28 avril 2017, Damso sortait « Ipséité », son deuxième album dans lequel il a baptisé ses 14 titres d’une lettre de l’alphabet grec. C’est naturellement cette date symbolique du 28 avril que le rappeur belge a choisi pour sortir « QALF infinity » et compléter ainsi l’alphabet grec. Quatre ans plus tard, et pour le plus grand plaisir de son public, Damso est donc enfin venu à bout de cet alphabet. 

Depuis de longs mois, le doute subsistait quant à savoir ce qu’il allait se passer le 28 avril. Dans la pochette de « QALF », Damso avait laissé un énigmatique message : les dix lettres manquantes de l’alphabet grec ainsi que l’inscription « 28/04 ». Résultat, onze morceaux inédits. 

Cover : Damso – QALF infinity

D’une simplicité sans nom pour la cover de « QALF », Damso avait révélé un fond noir avec le titre de son album, le nom de l’artiste ainsi que la durée du disque à la fin de l’été 2020. Sept mois plus tard, le rappeur bruxellois a décidé de rester dans la simplicité et l’efficacité. C’est cette même architecture que l’on retrouve sur la version infinity de « QALF ». Son nom, celui de l’album, mais cette fois la durée est logiquement remplacée par le signe de l’infini. En dessous, trône sur toute la largeur comme un couché de soleil sur l’horizon.  

Aussi serein que singulier

S’il y a bien une chose que l’on peut mettre en avant chez Damso, c’est sa singularité. Depuis ses débuts, l’auteur de « Batterie Faible » a toujours été un être à part. Des textes particulièrement imagés, des métaphores inimaginables, des tournures de phrases alambiquées, l’emploi de mots inconnus pour le grand public comme « Ipséité » ou « Lithopédion » pour nommer ses albums et bien sûr cette fameuse utilisation de l’alphabet grec. Au fil des années, le rappeur belge a construit tout un univers autour de son personnage. Un univers dans lequel son public s’est totalement plongé, au point de faire émerger des théories au moindre geste du rappeur.

Plutôt présent sur les réseaux sociaux ces derniers temps alors qu’il a connu des périodes d’extrême discrétion, l’auteur de Macarena a notamment donné quelques précisions sur ses nouveaux textes, suite à la sortie de son nouvel album. Sur Genius, Damso a expliqué quelques-unes de ses punchlines.

Celui qui a remporté le prix du meilleur album rap aux Victoires de la musique 2019 n’est pas seulement singulier dans sa manière d’être. Il apporte aussi une grande importance à ses instrumentales. Au fil du temps, Dems n’a pas eu peur de s’aventurer sur des terrains peu fréquentés dans le rap francophone. En dévoilant « QALF » en septembre 2020, il a surpris plus d’un auditeur en osant notamment proposer des morceaux à l’inspiration rock comme « Coeur en miettes » en feat avec Lous and The Yakuza. Mais ce n’est pas la première fois. Par le passé, il avait rendu public un morceau comme « Julien » qui fait plutôt penser à de la variété française du siècle dernier bien que le fond du texte ne fasse pas l’unanimité.

Sur « QALF infinity », Damso a fait confiance à des beatmakers avec lesquels il a l’habitude de travailler : Prinzly, Ikaz Boi et Ponko, sans oublier Jules Fradet. Ces quatre hommes ont composé la majorité de l’album, mais le rappeur belge a également fait appel à Shabzbeatz (« Question d’honneur » – Nekfeu, « Sheguey 6 (Soldat Mili) » – Gradur), NegDee (Krisy), Lil Ben (« Pochon Bleu » – Naps, « Jusqu’à minuit », « Tout en Gucci » – Ninho), High Klassified (Future, The Weeknd, « Putain d’époque » – Dosseh & Nekfeu) et Price D. (« Infréquentables » – Dosseh). 

Tous ces hommes de l’ombre ont par ailleurs livré un travail colossal tant les instrumentales sont variées et changeantes. Rien que « Φ. Thevie Radio », ce morceau de presque quatre minutes contient pas moins de trois instrus différentes dont la transition s’effectue symboliquement à chaque fois que Damso prononce le mot « décevoir ».

Outre « Φ. Thevie Radio », c’est bien le titre « Σ. Morose » qui a fait le plus parler. Si Ikaz Boi est à la composition du beat, Damso et son équipe ont aussi fait appel à trois musiciens belges : Jim Henderson, Jean-Marie Aerts et Dieter Limbourg. Ce dernier est d’ailleurs l’homme qui se cache derrière le fameux saxophone de la quatrième track de « QALF infinity », un morceau qui peut se hisser très haut dans les meilleurs morceaux de Damso en carrière.

Tout en amenant le public dans un tout autre univers ces derniers mois, Dems parvient à garder son côté sale comme notamment sur des morceaux comme « Π. Vantablack ». Un titre qui désigne tout simplement une matière la plus sombre possible, d’un noir à 99,965%. Comprenons via ce banger que Damso est plus “nwaar” que jamais à l’heure actuelle. 

« Numéro un je l’redeviens, je n’m’arrête pas (jamais)” – Π. Vantablack

Tout au long de cette réédition de « QALF », Dems revient notamment sur ses relations amoureuses. Et quoi de plus fort qu’un Damso qui conte ses relations avec les femmes dans ses morceaux ? Pas grand chose. Comme quelques années en arrière, Dems n’y va pas de main morte dans son nouveau projet. À l’image de son seul featuring, le titre « T. Chialer » avec YG Pablo dans lequel il parle notamment de l’emprise qu’il a sur la femme en face de lui. “J’vais t’faire chialer. Toutes les larmes de ton corps m’appartiennent désormais”, chantonne-t-il dans le refrain.

Sérénité tatouée pour ne plus la perdre”, disait-il dans le morceau « Personne » en featuring avec Vegedream. À l’image de son tatouage sur la main, Damso semble définitivement avoir trouvé la sérénité dans cet univers entre ombre et lumière qui le caractérise si bien.

Une incroyable tristesse dans une vie d’artiste qui l’a sorti de la rue, mais qui le fait souffrir comme il peut le montrer dans le titre « Ψ. Passion ». Morceau très introspectif dans lequel il revient sur son avant carrière, sur son acceptation du succès, sa relation avec son ancien mentor Booba et les responsabilités de la vie de père de famille.

Depuis la sortie de QALF et lors de ses quelques apparitions dans les médias ou sur ses réseaux sociaux, l’artiste belge montre un visage d’un homme malgré tout heureux à l’image de l’écoute en avant-première de son album en live sur son Instagram où, entouré de ses proches, Dems profite du moment présent en studio devant plus de 180 000 personnes malgré plusieurs problèmes techniques. Un live durant lequel B2O a participé à plusieurs reprises. Bien qu’à première vue on pourrait croire que le patron du 92i a complimenté son ancien protégé, il est plutôt probable de penser que ses interventions étaient (malheureusement) à prendre sur le ton de l’ironie quand on connaît le caractère taquin de Kopp. Même si tout ça donne envie de croire à une réconciliation…     

Artiste accompli ?

Mercredi 28 avril, Damso a donné sa seule interview pour la sortie de son album à la radio France Inter. Même radio sur laquelle il avait lâché un freestyle mémorable en novembre 2017. De passage à Paris donc, le rappeur né à Kinshasa a notamment confié pouvoir se qualifier d’artiste accompli suite à la sortie de « QALF infinity ». À juste titre. 

À travers ses cinq albums studio, si l’on sépare « QALF » de « QALF infinity » et si l’on met à part « Salle d’attente », l’ancien membre du groupe OPG a eu l’occasion de montrer toute l’étendue de son talent. Et comme après chaque sortie désormais, Damso affole les compteurs. Chaque sortie est un événement et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec « QALF Infinity », il a réalisé 8,6 millions de streams en 24 heures et 11 538 équivalents ventes en 3 jours. Les ventes réalisées jeudi ont compté dans les chiffres de la semaine précédente. Après une semaine d’exploitation, « QALF infinity » s’est écoulé à 27 764 exemplaires. 

Si l’univers de « QALF », plus ouvert qu’auparavant, a pu décevoir certains d’auditeurs qui pensaient ou souhaitaient avoir un Damso bien plus sombre qu’il a pu le montrer avec des morceaux comme « 911 » ou « Sentimental », la version infinity de « QALF » a réjoui bon nombre d’entre eux. 

En cinq ans de carrière sur le devant de la scène, Dems peut se targuer d’avoir une armoire à trophées bien remplie : 

  • Un Octave de la musique
  • Une Victoire de la musique
  • Ipséité disque de diamant (+ 660 000 ventes)
  • Lithopédion triple disque platine (+ 400 000 ventes)
  • Batterie Faible double disque de platine (+ 215 000 ventes)
  • QALF double disque de platine (+ 200 000 ventes)
  • Un concert dans un Bercy plein le 4 décembre 2018

En plus de ces distinctions, Damso est aujourd’hui plus qu’un rappeur. Il a su développer ses talents d’auteur et a pu écrire des textes pour des artistes, à première vue, très loin de son univers comme Kendji et Louane. Il est aussi derrière le titre « Pleurer » de Shay.

Artiste accompli commercialement parlant, ce représentant de la Belgique a aussi réussi à développer sa musique, l’amener vers de nouveaux terrains et a pu être amené un séduire public toujours plus large. Alors oui, à mon humble avis, on peut parler d’artiste accompli. Et espérons que ça dure encore longtemps.

“Hashtag « tout s’passe comme prévu »”« Π. Vantablack »

Dans « Smog », Damso scandait “À jamais, j’me ferai leaker, j’finirai comme l’infinité”, mais pas de panique. Quand bien même « QALF infinity » vient refermer une bien belle boucle pour l’artiste belge, ses fans peuvent être rassurés, il n’arrête pas la musique comme il avait pu le laisser entendre il y a quelques mois. Il est de retour plus déterminé que jamais.

Écouter l’album « QALF infinity » sur toutes les plateformes de streaming.

Dylan De Abreu