Présent depuis près de 10 ans, Rimkus est un artiste important du rap de rue français. Toutefois, le natif de Chevilly-Larue vient seulement de publier son premier projet, la mixtape « Boîte Noire ».

Révélé aux yeux des plus avertis sur le premier projet de Lacrim, « Liberté Provisoire », avec son solo « Grillé d’office », Rimkus n’a jamais vraiment eu de parcours solo et a surtout évolué en tant qu’invité sur des projets de Lacrim, Mister You et plus récemment Sadek. Longtemps attendu avec un projet solo par les fans de la première heure, la tête brulée du 94 a su se faire attendre mais ça y est, le projet est enfin dehors !

Représentant de la rue et de tous ses aspects les plus sombres, Rimkus est un artiste à l’univers obscur et violent. De ce fait on pourra retrouver sur « Boîte Noire » des artistes qui correspondent bien à ses critères à savoir Koba LaD, Frenetik, Timal, DA Uzi, Sofiane, UZI et la tête montante du 94 : Fresh LaDouille. Ouvert et passionné, le parisien a également convié une touche féminine en la personne de Doria. Sans surprise, Lacrim sera aussi de la partie et apparaîtra sur pas moins de 3 morceaux.

Rimkus Cover

Cover : Rimkus – Boîte noire

En ce qui concerne la production Rimkus s’est entouré d’une équipe constituée de beatmakers plus ou moins connus à savoir Ari Beats, Bersa, Chefi, Floow On The Track, HuFel Beatz, KLO, Laysi, MeLoBeats, Mohand, Skyzo Beats, Spirit Beats, Voluptyk et Yann Dakta & Rednose.

La Rue en personne

Violent, cru, hardcore, puissant, méchant, tous ces adjectifs peuvent définir les écrits et sonorités de Rimkus. Sorti de nulle part, ce dernier en avait traumatisé plus d’un avec l’incroyable « Grillé d’office », un couplet sauvage de 3 minutes 30. Seulement, Rimkus n’aura pas profité de l’explosion de l’algérien le plus célèbre du rap game pour se lancer en solo et se placera en retrait pour lâcher des seize toujours plus explosifs sur les projets « Toujours le Même », « R.I.P.R.O Vol. 1 & 2 » et « Force & Honneur ». 

Ces différentes apparitions lui auront permis de se forger un univers solide et bien précis : celui d’un artiste qu’on invite pour retourner une prod et assener un gros coup au visage des auditeurs. Les titres « Mec de Rue » (ft. Wira & Lacrim) et « Mythone pas » (ft. Lacrim) en sont de parfaits exemples. 

Logiquement ce genre de titres seront en surnombre sur « Boîte Noire » et cela se voit dès l’intro qui possède une prod ténébreuse et des écrits qui le représentent au mieux « R.I.M.Kus, c’est la tess pour de vrai ». 

Aussi, le projet fait déjà preuve d’une grande cohérence avec des premières secondes qui simulent le crash d’un avion et qui renvoient logiquement au titre du projet. Cette agressivité urbaine semblable à l’intro on peut la retrouver sur des titres comme « Tony et Many », « C’est pas le jour », « Débrouillard » (ft. Frenetik), « La Calle » (ft. DA Uzi), « En Cosmo », « En perte » et « À la base » (ft. Sofiane) qui sont tous assez crapuleux et obscurs et qui confirment qu’il maitrise son sujet à la perfection. 

Couplets violents et brutaux, prods démoniaques, refrains autotunés ou pas, le natif de Chevilly-Larue est en terrain conquis et semble inarrêtable. Aussi, le milieu offensif du four aura convié Fresh laDouille sur le bien nommé « Quatre-vingt-quatorze » et UZI sur « Impliqué », deux titres ultras efficaces qui mettent la barre encore un peu plus haute et qui montrent que Rimkus, même après 10 ans d’activité, n’a pas perdu de sa superbe de jeunesse au point de se fusionner à merveille avec la nouvelle génération. 

Bien construits avec des ponts et des refrains fluides, ces différents morceaux ne font que conforter la puissance lyricale de Rimkus avec des écrits qui le positionnent comme un narrateur de la rue d’exception : « Et j’suis pas étonné qu’on nous parle d’ensauvagement, c’est pas la cage au lion mais ça y ressemble vachement / S’entretuent pour un bout de viande, un bout d’terrain et même par les keufs sont abattus lâchement ».

Rien qu’avec cette dizaine de titres « Boîte Noire » est déjà un projet réussi… et en même temps, pouvions-nous nous attendre à autre chose de la part d’un aussi gros talent qui a tout pour manger tout cru quiconque ose s’aventurer sur son coin de rue.

Les humeurs du hall

S’il avait voulu se reposer sur ses acquis pour satisfaire son public de la première heure Rimkus aurait très bien pu s’arrêter ici, or, ce n’est pas le cas. En effet, « Boîte Noire » est un projet, en plus d’être solide et cohérent, qui possède une réelle diversité dans les ambiances et les thèmes. 

Avec « Gennaro et Gustavo » (ft. Lacrim), Rimkus s’essaie aux sonorités club et on peut dire que cela lui réussit plutôt bien. Sur « Santorini » (ft. Lacrim), et dans une moindre mesure sur « Jour de paye » (ft. Koba LaD & Lacrim) l’ambiance y est plus estivale et ensoleillé avec des instrumentales entêtantes, des refrains chantés et des écrits plus légers. 

Par le biais de « Nezuko », « Dans la City » (ft. Timal) et « Le son des armes », l’aspect nocturne et mélancolique prend le dessus sans toutefois travestir son univers. Le titre « MAYDAY », réalisé aux côtés de Doria, apparait lui comme un doux interlude qui permet de souffler. Ce dernier montre une facette de Rimkus encore jamais vue.

Résultat de longues années de travail, « Boîte Noire » a surtout permis au francilien de se livrer et d’aborder des sujets très personnels. Sur « Ti Amo » par exemple, Rimkus aborde, accompagné de notes de pianos, la perte de sa mère et dégage une forte émotion de par son doux flow et ses écrits sincères et authentiques : « Elle a pas vu mes mômes, elle m’a pas vu briller, toujours souriante, pourtant, elle m’a vu que vriller / Et comment oublier une plaie qui n’cicatrise pas ? Comme si chaque jour, on venait pour me scier en deux ». 

Avec « 5.50 » il narre, tel une thérapie, la difficulté de son parcours semé d’embuches, ses regrets, son envie d’aller de l’avant et sa relation avec Lacrim : « D’ailleurs, la mif, en parlant d’la musique : j’ai trop déçu et raté des occas’ / J’voyais SCH monter en showcase, en direct du carré, j’compte les bouteilles, pendant qu’le poto jouait Champs-Élysées / J’pense aux heures d’studio qu’j’ai pas fait, menotté à l’arrière d’la banalisée / Malgré ça, Lacrim a jamais lâché, j’serais toujours loyal et redevable ». 

Loin d’être déprimant et pessimiste lorsqu’il s’agit de se livrer plus en profondeur, Rimkus sait aussi voir les bons côtés et nous gratifie de prestations de haut niveau avec « Rimkus » mais surtout l’excellent « Karim » à la prod boomp-bap signée MeLoBeats.

Maitrisés à merveille comme si le natif de Chevilly était un artiste sentimental dénué de toute violence, ces différents morceaux ont prouvés sa polyvalence et n’ont fait que rajouter une solidité artistique à « Boîte Noire ».

Complet avec des titres hardcore, introspectifs ou plus légers, des écrits incisifs et émotionnels et des invités qui amènent cette petite touche en plus, « Boîte Noire » est un excellent premier projet qui ne fait que confirmer l’immense talent de Rimkus. Aucun doute que cette mixtape devra être présente lors de l’heure des comptes en fin d’année !

Écouter « Boîte noire » de Rimkus sur toutes les plateformes de streaming.

Tancrède De-Sacco