Le 10 août dernier, Kaaris annonçait officiellement son retour avec la sortie de « 2.7.0 » prévue pour le 4 septembre, plus d’un an et demi après Or Noir 3. Alors que tout le monde attendait l’arrivée de « Château Noir », c’est finalement « 2.7.0 » qui a été choisi. Un album symbolique puisqu’il est le dixième projet sorti par peut-être le représentant le plus iconique de Sevran.

Quelques semaines avant de dévoiler la date de sortie de son sixième album, Kaaris a mis en ligne le titre Goulag. Un sérieux succès puisque ce morceau a été streamé plus de 2,8 millions de fois en une semaine, ce qui constitue le meilleur démarrage de sa carrière. Sans compter les huit millions de vues sur Youtube pour le clip. Un morceau qui a même dépassé les frontières du rap.

Sur Twitter, il a rapidement été associé à Call of Duty Warzone, jeu sur lequel on est envoyé au Goulag en cas de mort. L’artiste sevranais a sorti un deuxième extrait de son album, NRV, 28 jours plus tard. Comme le précédent single, Kaaris vend du kickage, puissant comme à l’ancienne à son public. De bon augure pour 2.7.0.

Le retour du kickage 

Attendu au tournant après avoir déçu ses fans sur ses deux précédents projets (Dozo et Or Noir 3), celui qui a popularisé la trap en France a misé sur une grande majorité de sons où il kicke. Avec deux extraits prometteurs, un freestyle énervé et une cover sombre réalisée par Fifou, le Dozo a fait une promesse à son public.

Kaaris 2.7.0

Cover : Kaaris – 2.7.0 (© Fifou)

Au travers de son projet, réalisé par Boumidjal, producteur notamment caché derrière plusieurs hits de Damso (Feu de bois, Macarena, Signaler, Mosaïque Solitaire) ou encore SCH (Allô Maman, Morpheus) et également présent sur 2.7.0 (Ultra, Goulag, NRV, Bope, Valhalla), K Double A ne fait pas dans la dentelle. Alors qu’il a souvent été jugé sur les réseaux sociaux de trop sensible dans ses sons depuis l’arrivée de sa fille dans sa vie, le rappeur sevranais semble être de retour aux affaires. Des punchlines crues et son style agressif, ce qu’il sait faire de mieux. On pourrait presque se revoir quelques années en arrière par moments. 

Est-ce le niveau incroyable des nouvelles têtes dans le rap français qui a poussé Kaaris à enfin revenir à ce qui l’a fait devenir célèbre ? C’est en tout cas ce qu’on pourrait comprendre dans Mandalorian : « Les p’tits sont trop vifs faut que je reprenne du service ». Parmi ses invités, le rappeur francilien a d’ailleurs fait appel au jeune Sid les 3 éléments. Avec sa voix rauque, ce nouveau venu sur la scène française originaire du 93, évidemment, laisse entrevoir une belle puissance sur le morceau Tout est prêt.

Au-delà du jeune artiste de Seine-Saint-Denis, K2A présente quatre featurings sur son album. Les deux frères Djuna sont là, Gims et Dadju, dans leur registre. Deux sons ouverts, plus dansants et qui parlent d’amour. Le feat le plus attendu était surement celui avec Bosh. Toute la twittosphère craignait que les deux hommes sortent un son léger, fait pour passer en soirée. Finalement, c’est bien un son énervé où les deux rappeurs partagent leur agressivité et mélangent leurs deux univers ténébreux. Enfin, la dernière collaboration du projet est avec Imen Es. 

Comme pourraient l’être les deux feats avec Dadju et Gims, qui sont plus commerciaux, c’est bien Illimité qui est le hit de l’album. Co-produit par Marti4K (Habiba et Medusa – Bramsito) et Trent 700 (Dybala – Maes, Noir Meilleur – Damso, Dans la ville – DTF, Habiba – Bramsito, Bitch Dab – Ninho), ce morceau est plus ouvert avec une instru dansante. C’est d’ailleurs, outre Goulag et NRV, le son le plus streamé de l’album sur Spotify avec plus de 2,5 millions d’écoutes.

Dans la même veine, mais calibré pour passer en boîte de nuit à l’image d’un Tchoin il y a quelques années, on trouve Guedro, produit par Noxious (Putana, A Kinshasa – Ninho, W.L.G – Niska, Cellophané – Koba LaD).

Bien qu’il ait choisi de kicker sur son projet, Kaaris a donc aussi glissé quelques sons plus légers et il s’en est expliqué dans son interview pour Le Code avec Mehdi Maïzi : « C’est une sauce, il faut mettre plein d’ingrédients sinon ça n’a pas de gout wesh ! ». En parlant d’ingrédients, Riska a fait confiance à une quinzaine de beatmakers différents.

En dehors des faiseurs de hits que sont Boumijdal et Noxious, on retrouve HoloMobb (Distant –Maes), Kozbeatz (Goutte d’eau, Sans peine – Ninho, Tudo Bem – Mister V), Takeshi-San (Biberon – Franglish), Fux (Possédé – Djadja & Dinaz), SeySey (Reine, Bob Marley – Dadju, Thibaut Courtois – Shay), Patry, Yaya OnTheTrack, Ponko (Life, 1994, Juste une minute, God Bless – Hamza), Nikito, Young Bouba et Shurass Product. Mais ce n’est pas tout puisque deux rappeurs se sont également glissés dans les productions. Il s’agit de Franglish (Deux Deux ft. Bosh), qui n’est autre que le frère de Takeshi-San, et Abou Debeing (Lumière ft. Imen es).

Règlement de comptes 

Au cœur d’un clash face à Booba depuis plusieurs années maintenant, Kaaris a également fait partie d’une polémique autour de Sevran ces derniers temps. Alors qu’une mixtape 100% sevranaise pourrait voir le jour dans les mois à venir sous l’initiative de DA Uzi et son manager, Kaaris ne faisait pas partie des invités du projet. Une polémique que le principal intéressé n’a pas souhaité envenimer, mais plutôt faire baisser la pression.

Preuve à l’appui dans le morceau Goulag : « Problème avec personne, nous on s’en bat les couilles, on bosse avec tout l’monde, shalom aleykoum ». Dozo a d’ailleurs été soutenu par Kalash Criminel, qui l’a invité sur la mixtape.

Néanmoins, Maes, proche de B2o, a eu le droit à son pique dans le morceau Sosa. Pour le refrain, Kaaris a repris la mélodie de l’Odeur du charbon, morceau de Maes en featuring avec Dosseh. Il reprend donc « T’es dans l’binks depuis moins d’une heure et tu t’prends déjà pour un tueur. Comme Sosa, j’remplis l’ventre d’la mule et j’attends qu’tu fasses une virgule », à la manière de Maes.

Pour ce qui est de Booba, l’auteur d’Or Noir a décidé de se livrer sur le titre Réussite. Dans ce morceau rétrospectif, K2A se confie sur la façon dont l’équipe de B2o lui aurait demandé de clasher d’autres rappeurs : « Pour un frère il s’fait passer, c’est un loup dans la bergerie. On va au sport ensemble, on va prier ensemble. Cheval de Troie, la jalousie le brûle comme de l’encens. Il s’organise pour que je clash des mecs que j’connais pas. Allez tous vous faire enculer, c’est vous qui m’connaissez pas. « On t’a donné d’la ce-for : si tu dis non, pour toi c’est mort ». Personne va m’éteindre dans la street, personne va m’éteindre dans la ‘sique ».

Version dont Booba s’est évidemment très vite défendu via un post Instagram. Pendant trois minutes sur Réussite, Kaaris raconte « presque tout, je garde un petit jardin quand même », comme il le dit lui-même dans son interview pour Le Code. De sa naissance en Côte d’Ivoire, son arrivée en France, ses rêves de musique, ses débuts dans le rap, Booba donc ou encore le succès. C’est le joyau de cet album.

Placé en conclusion du projet, Réussite est précédé du morceau Lumière en featuring avec Imen Es. La performance de la chanteuse sevranaise est d’ailleurs à souligner. Une prestation qui n’est pas sans rappeler ce que pouvait faire Kayna Samet à une autre époque. Sur une instru portée par un piano, les deux artistes évoquent notamment la célébrité et l’arrivée de l’argent. « J’vais pas m’excuser d’avoir la clim’ sur mon appuie-tête. Bah ouais, j’ai les derniers cris des marques de luxe sur mes étiquettes », raconte Kaaris à travers ses paroles. Ce morceau très équilibré entre les passages chantés d’Imen ES et le rap du Dozo, sert de transition parfaite entre le reste de l’album et Réussite.

Avec son nouvel album, Kaaris remet les pendules à l’heure. Ses travaux dans le rap n’étaient pas terminés. Après une semaine d’exploitation, « 2.7.0 » s’est écoulé à 17 221 exemplaires dont 2 830 en physique et 13 807 en streaming.

Écouter l’album « 2.7.0 » de Kaaris sur toutes les plateformes de streaming.

Retrouve Kaaris dans nos playlists  « Kichta », « La frappe » & « Coups de coeur ».

Dylan De Abreu