Youssef Swatt’s a déjà une carrière bien remplie derrière lui, avec pas moins de quatre projets déjà sortis. Le MC originaire de Tournai, en Belgique, se démarque par une plume touchante et millimétrée, dans un rap qui laisse une grande place aux émotions. Comme l’on dit deux de ses célèbres compatriotes, il serait temps de mettre du respect sur son nom. Alors logiquement il est présent dans notre liste des 12 rookies à suivre.

Salut Youssef, est-ce-que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je m’appelle Youssef Swatt’s, j’ai 22 ans, et je viens de Tournai en Belgique.

Youssef Swatt’s

Youssef Swatt’s

Depuis combien de temps est-ce-que tu es dans le rap ?

Je fais de la musique depuis bientôt 8 ans.

Pourquoi as-tu décidé de devenir rappeur ?

En fait j’ai décidé dès que j’ai commencé à écouter du rap français quand j’étais petit. J’ai écouté très jeune grâce à mon frère, je ne savais ni lire ni écrire mais ça me donnait des émotions. À mon âge les petits voulaient faire du foot pour ressembler à Ronaldinho, moi je voulais faire du rap comme Sinik, Youssoupha ou IAM. Quand j’ai écouté « Une époque formidable » de Sinik je me suis dit qu’il fallait que je sois rappeur.

Pour toi, le rap, c’est quoi ?

Le rap ça a toujours été pour moi un moyen de fédérer une communauté autour de la musique. Le hip-hop au sens large ça fédère autour de diverses choses, mais principalement de la musique quand même. Le rap c’est mettre de la lumière là où les gens croient qu’il n’y a que de l’ombre.

Quelles ont été tes influences ?

Sinik, Sniper, Youssoupha, Kery James. À côté il y a eu Amy Winehouse et Jacques Brel aussi, surtout pour la scène. En terme de rap j’ai écouté beaucoup plus de francophone, j’écoute du rap en anglais mais surtout en surface. Le rap français je l’ai écouté en surlignant les textes, en analysant les structures, comme un étudiant en fait. 

Comment est-ce-que tu définirais ton style de rap ?

Franchement je n’ai jamais trop aimé étiqueter les styles et tout. Mais si je devais en coller une sur mon rap, je pense que ce serait du rap où on fait plus gaffe au fond, aux textes, beaucoup de longs couplets et très peu de refrains en fait. 

À quel moment est-ce-que tu as senti que quelque chose se passait autour de toi et de ta musique ?

Très concrètement, je pense que quand tu as 14 ans et que tu te rends compte que ça bouge autour de toi, qu’on commence à te reconnaitre un peu dans la rue, dans les transports, à l’école… C’est vraiment le moment où j’ai vu que les choses changeaient. Je me suis dit que les gens qui m’envoient des messages ou mes amis qui me donnent de la force n’étaient qu’une infime partie des gens qui m’écoutent en fait. Sur dix personnes qui t’écoutent, il y en a peut-être une qui va t’envoyer un message. Donc si tu reçois cent messages tu peux te dire que derrière il y a peut-être un millier de personnes. C’est vraiment à ce moment que j’ai commencé à me rendre compte que l’iceberg était énorme et que je n’en voyais qu’une infime partie.

Tu es déjà bien installé, avec plusieurs projets, et en plus tu viens de Belgique. Pourtant, on a l’impression que tu n’es pas encore reconnu à ta juste valeur. Tu partages cet avis ?

Franchement je ne vais pas dire que je partage cet avis, mais plutôt que je le comprends. Je comprends que les gens disent que je ne suis pas reconnu à ma juste valeur, parce que je me dis la même chose pour d’autres artistes, mais ceux qui pensent ça ne sont pas dans la peau du rappeur. J’estime que ce qu’il m’est arrivé, la reconnaissance dans le milieu, ça dépasse largement les objectifs je m’étais fixés en écoutant Sinik gamin. On se dit que j’ai eu 10% de ce que je méritais, pour moi j’en ai eu 200%.

Tu as sorti ton dernier album, « Poussières d’espoir », le 3 avril 2020, en collaboration avec El Gaouli. Raconte-moi la création de cet album…

Alors avec El Gaouli on s’est rencontrés en 2017 sur un concert, je lui ai dit que j’étais chaud d’écouter des prods. À ce moment je finalisais mon album « Vers l’infini et au-delà » et je n’étais pas à fond dans l’écriture. Mais de fil en aiguille je me suis rendu compte que je n’avais quasiment écrit qu’avec ses prods. Logiquement on s’est dit qu’il fallait partir sur un projet commun. 

Youssef Swatt's

Youssef Swatt’s & El Gaouli – Poussières d’espoir

Et parle-moi des retours, ils sont bons ?

Déjà c’est une très cool évolution musicalement, je me suis ouvert à des choses, je suis sorti de ma zone de confort sur 2-3 morceaux et les gens étaient surpris. Pour le côté mélancolique je suis allé encore plus profond dans ma mise à nue, pour écrire des choses qui nécessitaient d’outrepasser beaucoup de pudeur. Les gens l’ont ressenti comme un journal intime. C’est un album personnel, pas vraiment dénonciateur comme j’ai pu faire avant. La plupart des messages c’étaient des « merci d’avoir mis des mots sur ça ».

L’écriture est primordiale pour toi, tu fais toujours très attention à tes textes. C’est important pour toi de bien écrire ?

Ouais franchement, c’est important d’écrire avec le cœur. Honnêtement la plupart de mes textes je les écris en un coup, je suis assez peu dans le souci du détail, de changer des mots, des trucs, j’aime bien écrire dans la spontanéité. J’aime bien quand c’est naturel et pas vraiment trop recherché. 

Tu es donc dans le rap depuis plusieurs années, est-ce-que tu penses que tu t’es complètement trouvé, musicalement parlant ?

Je pense qu’une fois que tu te trouves tu cherches autre chose. En tant qu’artiste je me suis trouvé, je me rends compte de pourquoi les gens apprécient ma musique, je me rends compte qu’ils aiment la sincérité, mettre des mots là-dessus et donner de l’émotion. Je peux faire des morceaux egotrip, je sais le faire, mais je sais aussi que ce n’est pas là où je suis le plus fort. Je suis meilleur sur un long morceau mélancolique plutôt  que sur un egotrip.

Je voudrais aussi qu’on parle de la toute dernière phrase de ton album « Poussières d’espoir ». Tu dis « un jour j’arrêterai le rap mais j’arrêterai sans doute pas d’écrire » et tu l’as toi-même commentée sur Genius, expliquant que c’est une reprise de Youssoupha. Qu’est-ce-qu’on doit comprendre ?

Je ne sais pas exactement ce que lui a voulu dire, mais moi c’est une phase qui m’avait marquée gamin. C’était l’époque où je commençais à écrire et naturellement je me suis mis au rap. Mais j’ai commencé aussi à toucher à la vidéo, j’ai des idées de sketchs, de longs et de courts métrages, j’aime aussi beaucoup l’écriture littéraire. Je sais qu’au fond de moi le rap te limite dans ce que tu fais, dans l’écriture, tu dois respecter les mesures… Le jour où ça m’aura soulé je pourrais faire autre chose. Mais à choisir, le rap reste pour moi la meilleure forme d’écriture parce qu’il y a l’interprétation derrière. Monter sur scène c’est la plus belle chose qu’il me soit arrivé. Dans mon adolescence je disais « je veux pas vivre du rap, je veux vivre de l’écriture ».

Si tu devais faire découvrir ta musique avec un seul son, ce serait lequel ? Et pourquoi ?

Je pense que je le ferai avec mon morceau « Moha » sur l’album « Vers l’infini et au-delà ». C’est le morceau le plus abouti, le plus puissant, c’est celui-là qui ressort le plus et je m’en rends compte en concert. Peu importe où que tu sois, dans un festival ou dans une toute petite salle, ce morceau est incroyable, pendant cinq minutes le temps s’arrête. J’ai écrit « Moha » quand j’avais 16 ans, et ça fait six ans que j’essaye de réécrire quelque chose comme ça, mais je n’y arrive pas, ça reste le plus puissant. 

Imaginons, tu as un projet 15 titres qui arrive et tu as le droit à 3 featurings, tu choisis qui ?

Mon feat de rêve ce serait Youssoupha, et le deuxième… Je pense que je pendrais Niro, putain Niro de fou ! J’adore Niro, quand j’ai écouté son morceau « En double appel » j’étais fou, je me suis dit que c’était trop ce que j’aurais pu écrire, donc j’aimerai vraiment inviter Niro. En troisième Billie Eilish je pense, c’est ma chanteuse préférée. 

 Comment est-ce-que tu vois l’évolution de ta carrière ?

Franchement, des fois j’essaye de prendre le temps et du recul. C’est passé très vite et j’ai vécu des trucs de fous. Je sais aussi que je suis très jeune, mais je pense à plein d’artistes qui à mon âge n’avaient rien fait du tout. Tu sais je suis toujours partagé entre me dire que ce que j’ai fait est déjà incroyable et me dire que si je m’étais mis en mode professionnel plus jeune j’aurais pu tout niquer, et je me dis que peut-être maintenant c’est trop tard. 

On peut s’attendre à quoi pour la suite de ta carrière ?

Déjà cette semaine on va balancer un nouveau clip, celui d’« Aleph », et ensuite on va envoyer d’autres clips pour défendre ce projet, ce qu’on a pas pu faire en concert. Ensuite je vais enchainer très vite avec un autre album, on avait plein d’autres morceaux avec El Gaouli et il y a matière à faire autre chose. Ça n’arrivera pas tout de suite, mais ça devrait suivre.

 

Dorian Lacour