Originaire des Yvelines, c’est dans les ruelles sombres de Londres que Decimo trouve son inspiration. Bercé par le grime et la drill (avant que ce soit à la mode) mais aussi par le R&B, il amène dans le paysage rap français une couleur unique. Logiquement, il fait partie de nos 12 rookies à suivre.

Salut Decimo, est-ce-que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je m’appelle Decimo, j’ai 24 ans et je viens de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines, le 78.

Decimo

Decimo

Depuis combien de temps est-ce-que tu es dans le rap ?

Maintenant ça fait deux ans et demi que je suis dans le rap sérieusement.

Pourquoi as-tu décidé de devenir rappeur ?

À la base c’était un défi entre nous, genre « t’es pas cap de rapper », et au début je ne voulais pas continuer, c’était juste un délire, mais les gens ont kiffé alors j’ai continué !

Pour toi, le rap, c’est quoi ?

C’est un art avant tout, maintenant il y a de l’argent en jeu mais c’est un art. Pour moi c’est une passion, mais si tu peux en vivre pourquoi ne pas en faire un métier.

Quelles ont été tes influences ?

C’étaient plutôt des artistes américains et anglais, plus anglais même. Ironiquement pas trop de français. Je dirais Bobby Shmurda, Ace Hood, Biggie Smalls et 2Pac bien sûr. Chez les anglais, je pense à Loski, Stormzy, Dave.

Comment est-ce-que tu définirais ton style de rap ?

Alors, je le définirais comme… Je sais pas trop, un mélange de rap et de hip-hop je dirais. Mes plus grandes influences c’est le R&B, Ashanti, tout ça. Donc je dirais que c’est plus du hip-hop que du rap.

À quel moment est-ce-que tu as senti que quelque chose se passait autour de toi et de ta musique ?

À ma sortie de prison, lors de mon deuxième projet l’engouement était inattendu. Dans la ville on parlait de moi, beaucoup de mes sons tournaient sur Snapchat. On m’a proposé de rencontrer DJ Bellek, c’est là que j’ai vu que ça avait pris de l’ampleur !

Parle-moi de ton délire autour des céréales…

En fait depuis que je suis petit j’adore ça, je me nourrissais que de ça à midi et tout, je préférais un paquet de Kellogg’s à un steak-frites ! Quand j’étais petit, à la cantine, des céréales ça me suffisait, c’est mon repas préféré !

Tu as déjà sorti 3 mixtapes, et ça t’a permis d’affirmer un univers très particulier. Comment est-ce-que le public a réagi ?

Au début, la première mixtape (« K.E.L.L.O.G.Z Vol. 1 » – ndlr), ils n’ont pas trop compris. C’est à partir de la deuxième que les gens ont compris que j’étais quelqu’un de particulier. Je suis allé en prison et quand je suis ressorti j’ai vu le succès de ma deuxième mixtape, alors j’ai envoyé la troisième et c’est parti. C’est grâce à « K.E.L.L.O.G.Z Vol. 2 » que DJ Bellek m’a repéré, et aujourd’hui beaucoup d’artistes m’envoient des messages pour me dire que ce que je fais est bien, les gens me captent. 

Tu es très influencé par le rap britannique, et notamment le grime, est-ce-que tu saurais m’expliquer pourquoi ce genre musical a du mal à se développer en dehors du Royaume-Uni ?

Je dirais qu’en France le problème c’est les instrus qui sont très cycliques. Tout le monde n’est pas capable de poser sur ça, ça ressemble un peu à de la dubstep parfois franchement. Je pense que c’est compliqué que les gens puissent poser dessus en France, même en Angleterre tout le monde n’y arrive, alors ici c’est compliqué. 

Tu es dans la drill depuis bien avant que ce soit la mode, ça fait quoi de voir aujourd’hui que toutes les têtes d’affiche du rap francophone s’y mettent (Leto, Hamza…) ?

J’avoue qu’au début j’avais un peu le seum. Je n’ai pas attendu que ce soit à la mode pour me lancer là-dedans et j’avais vraiment envie d’envoyer plein de sons drill. Mais je ne vais pas le faire, parce que tout le monde le fait, ça m’a vite refroidi. Je vais continuer à en sortir parce que je kiffe ça, mais j’ai pas envie qu’on me dise que je fais ça parce que c’est à la mode, alors il n’y en aura pas beaucoup.

Pourtant, même si le rap anglais t’a bercé, tu restes très attaché au 78. Tu aimerais que ce département soit plus reconnu dans la scène rap francophone ?

Bien sûr, c’est comme ça, c’est logique et c’est dommage. Beaucoup de gars auraient pu péter, il y a du talent mais on manque de têtes d’affiches. Genre à Mantes-la-Jolie, depuis Expression Direkt il y a vingt ans on a pas eu de gars sur le trône.

On sent avec certains rappeurs (Hatik, Bosh…) que le 78 refait parler de lui, tu aimerais faire partie de la nouvelle « génération dorée » des Yvelines ?

Oui oui, on va pas dire qu’ils sont sur le trône mais c’est des prétendants. Pourquoi pas être celui qui ramène la lumière au 78, être le successeur d’Expression Direkt ce serait un rêve pour moi !

Tu as invité G O Trappy pour remixer son morceau « Dashboard Baby ». Comment s’est faite la connexion entre vous ?

En fait j’avais sorti un son drill et il m’a approché. On parlait, on parlait et je lui ai demandé de remixer un de ses sons, il m’a envoyé sa boule et c’était fait. J’ai kiffé son délire, il est un peu comme moi, on a la même couleur. J’en suis très satisfait, on aurait pu faire mieux bien sûr mais je suis satisfait du son en vrai !

Raconte-moi comment tu as mis au point ta dernière mixtape, « K.E.L.L.O.G.Z Vol. 3 » (sortie le 26 avril 2019) ?

En fait à partir de la deuxième mixtape, quand je suis sorti de prison j’étais en semi-liberté, ça veut dire que j’ai écrit la troisième en prison. J’avais mon tas de feuilles avec moi et dès que j’avais des week-ends libres j’allais au studio. J’ai tout bouclé en un ou deux mois, ça s’est fait rapidement même si j’ai perdu du temps avec ma semi-liberté. 

Comment est-ce-que ton public a réagi ?

Il y en a qui préféraient la deuxième, d’autres la première, mais globalement ils m’ont dit que la troisième a confirmé que j’étais vraiment quelqu’un de talentueux pour eux. C’est la plus sophistiquée, elle est variée, au niveau des feats et des prods, mieux mixée aussi. Les retours dans l’ensemble sont positifs, j’étais assez choqué en fait, je m’y attendais pas du tout !

Si tu devais faire découvrir ta musique avec un seul son, ce serait lequel ? Et pourquoi ?

J’aurais dit « Vongola Quinto », parce que c’est là où je me suis le plus amusé, c’est ce qui représente le mieux mon univers et comment je rappe. J’ai vraiment pris du plaisir à l’écrire, ça s’est fait facilement. 

Imaginons, tu as un projet 15 titres qui arrive et tu as le droit à 3 featurings, tu choisis qui ?

En premier Biggie Smalls, logique. Après IAMDDB, c’est une meuf, un artiste trop chaude, et en numéro trois je mets Zed de 13 Block, c’est trop ce qu’ils font. J’écoute pas trop de rap français mais 13 Block j’aime trop.

Comment est-ce-que tu vois l’évolution de ta carrière ?

Je la vois comme quelqu’un qui n’a rien à perdre. Je ne me sens pas encore au top de ma forme, même si j’ai sorti plusieurs projets je me sens comme si je n’étais encore qu’au début de ma carrière !

On peut s’attendre à quoi pour la suite de ta carrière ?

Mon dernier single « Katakuri » (sorti le 28 février – ndlr) c’est le prélude, le prochain single va vraiment annoncer une mixtape qui arrive en 2020, c’est sûr. Les clips aussi, je compte en balancer deux ou trois avant d’annoncer la suite.

 

Dorian Lacour